Zakaria Boualem et la FIFA

Par Réda Allali

Souvenez-vous, la semaine dernière, le bon Zakaria Boualem vous racontait comment notre glorieuse Fédération royale marocaine de football avait organisé ses élections. Pour ceux qui ont loupé le truc, il s’agissait en gros de sombres tractations sur fond d’insultes et de pugilat, sur une durée de quinze heures s’il vous plaît, conclues comme il se doit par des acclamations au petit matin. Affreux mais classique, c’est du moins ce que nous expliquaient les vieux crocodiles du football marocain… Moins classique a été la réaction de la FIFA, qui a rejeté cette élection. Il paraît que les statuts de notre fédération ne sont pas conformes. Voilà, vous pouvez tout recommencer, une fois vos statuts révisés, si vous arrivez à les réviser d’ailleurs, et merci. Les gens qui se sont mis d’accord peuvent de nouveau se battre puisque rien n’est fait. Les gens que cet accord ne satisfait pas peuvent se remettre à insulter tout le monde. Monsieur Fassi Fihri pouvait retourner à son poste, il avait une finale de Coupe du trône à se farcir. On peut à nouveau continuer un peu plus longtemps sans sélectionneur puisqu’on attendait l’assemblée, etc. Vous pouvez décliner à l’infini les conséquences de ce control Z footballistique, c’est tout simplement rocambolesque. Mais pas seulement.

1. C’est vexant. La FIFA, qui est la mère de toutes les mafias, nous a envoyé balader pour une histoire de légalité, c’est un peu comme si Don Corleone venait nous donner des leçons de droit constitutionnel avec un air rigoureux.

2. C’est très vexant, parce que la FRMF a déjà reporté son assemblée générale, prévue il y a plusieurs mois, pour une histoire de statuts. Nous n’avons donc pas seulement fait n’importe quoi : nous l’avons fait lentement.

3. C’est encore plus vexant quand on sait que notre équipe dirigeante, formée de technocrates, ne se prévalait d’aucune compétence particulière en matière de football. Ils étaient là pour mettre de l’ordre, structurer notre football, assainir les finances, etc. Donc, si les technocrates ne savent pas rédiger des statuts et que les gens du football se comportent comme des mafiosi, on se demande bien vers qui il faut se tourner. Faut-il faire appel à des chauffeurs de taxi ou des plombiers? Des poulpes ?…

On peut continuer cette liste avec au moins 27 ou 28 points qui sont autant de bonnes raisons de se vexer.

Mais l’heure n’est pas aux jérémiades, il faut avancer et proposer quelques conclusions. Si vous lisez régulièrement cette page, vous savez que Zakaria Boualem se demande souvent si nous sommes en chute libre ou si notre incompétence est juste plus visible grâce à une meilleure circulation de l’information. La FIFA a répondu : c’est la chute libre. Si on continue, ils risquent de nous interdire de jouer au foot. Oui, même sur la plage. L’autre conclusion qui s’impose, c’est qu’il devient compliqué de continuer de la sorte. Baigner gentiment dans notre médiocrité, à l’abri des regards indiscrets, dans le douillet confort de notre complaisance, ce n’est tout simplement plus possible. Un président de la fédération qui annonce qu’il a loupé la lettre de la FIFA parce qu’elle est arrivée trop tard un vendredi à 17h, on ne peut que se répéter : ce n’est plus possible. Enfin, ce serait possible si on évitait de se mettre dans la lumière. Si on acceptait notre brave statut de pays euhhh… disons un peu dépassé au lieu d’aspirer à une gloire qui nous met en danger, on pourrait continuer à faire n’importe quoi. Oui, Zakaria Boualem est convaincu que tout ceci ne serait pas arrivé si on n’avait pas réclamé cette Coupe du monde des clubs, ou cette CAN 2015. On a demandé au monde de nous regarder pensant qu’il nous trouverait beaux, et le résultat c’est qu’on se fout de notre gueule. C’est peut-être un des drames de notre pays : une terrible inadéquation entre nos capacités et nos ambitions. Vous avez remarqué que Zakaria Boualem ne parle que de foot, il a renoncé depuis longtemps à suivre les autres affaires publiques, il est un peu épuisé. Il va donc faire comme la semaine dernière : espérer que le reste ne soit pas à l’image de ce triste foot, et merci.