Zakaria Boualem et la Fédération royale marocaine de football

Par Réda Allali

Mes bons amis, je vous préviens que nous allons passer un moment difficile cette semaine. Allez savoir pourquoi, Zakaria Boualem s’est intéressé aux élections à la Fédération royale marocaine de football, que Dieu lui vienne en aide, et il ne trouve aucune raison valable de garder ça pour lui. On serait tenté de parler de plongée dans les ténèbres, mais ce vocable semble sous-évalué par rapport à l’intensité de la chose. Nous évoquerons donc les abysses, en gardant en mémoire que l’étape suivante, c’est le néant. Donc, l’administration Fassi Fihri, après quatre années peu glorieuses au service de notre football, termine son mandat. C’est bien. Il faut la remplacer. Deux listes se présentent à la succession. Zakaria Boualem pensait que deux visions du football allaient alors s’opposer à travers les médias, qu’on allait voir surgir des propositions pour la répartition des droits télé, des nouvelles idées pour développer le foot amateur, offrir des solutions pour extirper notre équipe nationale de l’infâme bourbier dans lequel elle est engluée, il imaginait voir des gens parler de structurer nos clubs, de rendre notre Botola plus attirante, des plans de formation et, pourquoi pas, des débats sur l’identité de jeu. Il supputait, le bougre, qu’à l’issue de ces nobles empoignades, les deux listes se présenteraient devant les électeurs et que l’une d’entre elles serait déclarée élue tandis que les perdants retourneraient à leurs clubs comme des gentils garçons, dégoulinant de fair-play et d’autocritique… Bon, n’exagérons rien, il n’imaginait pas vraiment ça : si ce genre de scénario existait, c’est cette page qui n’existerait pas. Maintenant, la réalité. L’une des deux listes n’a même pas estimé utile de présenter un programme, la seconde s’est présentée à l’assemblée avec des vices de forme offrant le flanc au blocage, et tout a basculé dans le chaos. Au cours de quinze heures de réunions – soit la durée nécessaire à une fédération allemande pour inventer un nouveau sport et organiser son championnat – on a vu un président se ruer sur un autre et l’abreuver d’injures concernant sa sexualité, un autre le plaquer tel un rugbyman pour l’empêcher de passer à l’acte, un troisième surgir du néant pour s’emparer par la ruse du micro d’un intervenant. Ce dernier, précisons-le, a effectué un surprenant saut de cabri pour s’emparer de l’objet de sa convoitise (le micro, donc), l’a jeté à terre et est reparti comme si de rien n’était. Pendant ce temps, un autre président se félicitait de l’excellente tenue des débats et se déclarait ému par la nouvelle démocratie sportive, se payant même le luxe de parler de moment historique. Il était sérieux. Toute mesure acceptable de lutte contre le hooliganisme devrait commencer par s’attaquer à ces énergumènes. Insultes, hululements, simulations, menaces pour une assemblée générale qui a proposé plus d’actions qu’une année de Botola. Au final, on n’a pas voté, bien entendu. Ces longues tractations étaient justement là pour empêcher cette infamie. Il fallait au contraire se présenter avec une liste commune, adoptée comme il se doit par des acclamations au petit matin. Mais avant, il a fallu négocier de longues heures pour trouver une place aux éventuels perdants, c’est bien entendu la seule discussion qui vaille la peine d’être menée. Il est d’ailleurs parfaitement injuste de les accuser de ne pas avoir de programme, ils en avaient un : s’emparer des commandes, tout simplement. On peut même leur reconnaître l’honnêteté de tout mettre en œuvre pour respecter ledit programme. Tout ce beau monde déclare se sacrifier, parle de démocratie, invoque la loi. Il est intéressant de constater que la loi est toujours présentée comme une menace, elle disparaît des débats dès qu’on a dégoté à celui qui la brandit un poste pour le calmer.

Zakaria Boualem a souvent développé l’idée que le football était une fenêtre pour regarder le monde, qu’il résumait une société. Il n’a jamais autant souhaité de sa vie être dans l’erreur, et merci.