Zakaria Boualem relativise !

Par Réda Allali

Zakaria Boualem, notant avec sa sagacité légendaire le climat morose et l’ambiance désenchantée qui se sont installés chez nous, a décidé de vous remonter le moral. Il va donc ci-après effectuer devant vous un grand numéro de comparesthésie, et merci. Rappelons aux lecteurs occasionnels que la comparesthésie est, pour chaque tare de notre beau pays, l’art de trouver pire ailleurs et d’en conclure avec enthousiasme qu’on est bien chez nous al hamdoullilah. Vous l’avez compris, c’est une comparaison anesthésiante, qui implique à la fois de la créativité et de la mauvaise foi. Le comparesthésiste vous endort avec des raisonnements foireux, mais il est nécessaire, c’est un stabilisateur dans un pays où le grand projet collectif consiste à déguerpir par tous les moyens. C’est parti, donc.

 A ceux qui se plaignent de l’incurie de nos services sanitaires de contrôle. En France, on a fermé une société respectable qui remplissait son hachis parmentier de bœuf avec du cheval. Zakaria Boualem, lui, n’a jamais mangé de cheval contre son gré. Il a par contre avalé très souvent de l’âne, chez un brave chouwway du Boulevard Bir Anzarane où il avait ses habitudes. Il a même trouvé ça plutôt bon, le bougre. Malheureusement, ce noble commerçant a dû fermer ses portes quelques mois en raison d’une petite inspection qui a mal tourné. On avait découvert des morceaux d’âne dans sa kefta, donc, et probablement d’autres animaux qu’on préfère ne pas connaître. Nos services ont sévi, l’homme s’est repenti et il est à nouveau en plein essor commercial. En France, par contre, la fermeture de la société en question a plongé une ville entière dans le chômage pour un simple cheval parfaitement comestible par ailleurs. Alors, franchement, de quel côté est la sagesse ?

 A ceux qui se plaignent que notre nouvelle constitution n’est pas assez démocratique. Zakaria Boualem voudrait leur signaler qu’elle a été citée en exemple lors d’un débat sur le droit de vote des étrangers tenu sur la radio française Europe1. C’est assez extraordinaire mais c’est parfaitement exact. Aucun des participants au débat n’a pris la peine de vérifier que cette constitution est effectivement appliquée, mais c’est un détail. Voilà, si la France s’inspire de nous, il n’y a plus rien à dire, vous n’avez pas à vous plaindre, circulez et merci.

 A ceux qui se plaignent de nos parlementaires obsédés sexuels et jamais punis par la justice. Il faut leur répondre deux mots : Silvio Berlusconi.

 A ceux qui se plaignent de nos publicités débiles, en rimes et avec des animaux chantant à fort volume. Sachez qu’en 1980, un Japonais du nom d’Issei Sagawa a assassiné une jeune fille, puis en a mangé une partie après l’avoir cuisinée. C’est sans doute la chose la plus horrible qui ait été écrite sur cette page depuis le début de cette chronique il y a dix ans. Issei Sagawa a été déclaré non responsable de ses actes et il vit donc librement au Japon. Vous êtes toujours là ? Je n’ose même pas écrire la suite. Je vais la chuchoter : Issei Sagawa a fait de la publicité à la télévision japonaise pour des restaurants de viande. C’est la seconde chose la plus horrible qui ait jamais été écrite sur cette page depuis le début de cette chronique. Voilà. Les Japonais, donc, peuvent admirer un cannibale sur leur écran, qui essaye de les convaincre de bouffer les brochettes de chez X (excusez-moi, je n’ai pas le courage de chercher le nom du resto sur Google). Donc, mesdames et messieurs, vous allez supporter les poulets mutants, les vaches 3bidat rma et autres awhadacayboncaybon sans grogner, et merci.

 A ceux qui se plaignent des mauvais résultats de notre équipe nationale. Si vous étiez supporter des Samoa américaines, ça aurait été pire. Aucun match officiel gagné dans toute leur histoire. Les trente derniers matchs ? 229 buts encaissés, dont 31 en une seule rencontre contre l’Australie. Allez, estimez-vous heureux, on vous dit.

 Si tout cela ne vous suffit pas, Zakaria Boualem voudrait vous faire remarquer que la Russie s’est pris un météorite sur la gueule, alors que nous, jamais. C’est un signe éclatant de la bonne gouvernance et du caractère judicieux des décisions prises par nos dirigeants, et merci.