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Shalom Benky

Abdelilah Benkirane, un homme tolérant ? En tout cas, il s’est montré capable de prononcer à six reprises, dans le même discours, des dérivés du mot “judaïsme” sans avoir une attaque cardiaque. Il a serré la main à des rabbins et distribué des bisous à des compatriotes de confession juive sans être victime d’une rupture d’anévrisme. Il a même foulé le sol d’une synagogue sans tomber dans les vapes. Mieux, il a pu faire tout cela sans ressentir le besoin d’évoquer la Palestine ou d’insulter Israël. Oui, Benky a réalisé tous ces “exploits” en assistant à la cérémonie d’inauguration de Slat Al Fassiyine, un lieu de culte juif rénové dans le plus vieux mellah du royaume. C’est un peu surprenant que notre islamiste en chef se pointe dans ce genre d’événement alors que son parti a souvent versé dans l’antisémitisme primaire. De deux choses l’une alors. Soit Benky était tout content de se voir confier une mission de représentation par Mohammed VI qu’il est rentré dans un état second lui faisant oublier la cause palestinienne si chère à sa base électorale. Soit c’est un homme lucide qui a fini par comprendre une des règles de base de la realpolitik à la marocaine : on ne refuse rien au boss, quitte à faire le job à contrecœur. Quoi ? Une troisième hypothèse voudrait que Benky soit un pacifiste respectueux des valeurs de coexistence, qu’il fait bien le distinguo entre le conflit du Moyen-Orient et le patrimoine culturel et spirituel de la communauté juive marocaine. Difficile de nous faire gober cela… A moins que Benky nous donne un signal encore plus fort. Par exemple, il pourrait demander à son ministre de la Communication d’organiser une projection de Tinghir – Jérusalem dans cette synagogue retapée à neuf pour y convier la vingtaine de manifestants qui protestaient contre la programmation de cette œuvre cinématographique au Festival de Tanger juste parce qu’elle expliquait que des juifs ont vécu parmi nous…

 

Restez assis !

Cette semaine s’est tenue la première édition des Assises nationales de la gouvernance. La semaine prochaine, c’est le tour des Assises de l’industrie. Prochainement, il y aura les Assises de la fiscalité. Et vous avez sans aucun doute déjà entendu parler des Assises de l’agriculture, du sport, de la jeunesse, du tourisme, du cinéma… Et il faudrait bien organiser des Assises pour les exportations, pour la régionalisation, pour l’audiovisuel, pour le transport urbain et pour tout ce qui tourne mal dans le plus beau pays du monde. Se poser entre spécialistes pour réfléchir sur un domaine est toujours une bonne chose. Ça permet de mettre les choses à plat, d’ouvrir le débat et de sortir avec des mesures concrètes. Mais après il faut bien se mettre debout et se démener dans tous les sens pour appliquer ces mesures, les traduire en résultats concrets et mesurables. Or chez nous, on a cette impression que l’on consacre le plus clair de notre temps à rester assis à diagnostiquer des problèmes plutôt que de passer à l’action. En plus, enchaîner Assises sur Assises contribue à renforcer ce sentiment que nos décideurs sont inertes. On pourrait alors au moins en finir avec ce concept des « Assises », passé de mode, et rebaptiser ces colloques et forums sectoriels.

 

Le meilleur est à venir

C’est en apothéose qu’a été clôturée la session d’automne du parlement. On a eu le meilleur pour la fin, la totale lors de cette dernière séance du 12 février. Benky occupait évidemment les devants de la scène pour improviser un énième speech face aux élus. Et bien sûr, il nous a fait une de ses confessions intimes qui en disent long sur sa stature d’homme d’Etat responsable, digne de notre confiance : “Depuis que je suis à la primature, je ne fais que signer en priant Dieu de nous préserver des conséquences”. Comprenez, le patron de l’Exécutif ne sait pas trop sur quoi il appose ses autographes, alors joignons nos prières aux siennes : que Dieu nous préserve, amen ! Mais le clou de ce dernier Benky-show de la première partie de la saison, c’est quand il a carrément foutu à poil un de ses farouches adversaires de l’opposition. L’honorable conseiller Driss Radi, chef du groupe UC, a perdu son self-control quand le Chef du gouvernement lui a signifié qu’il n’était pas assez honnête et intègre pour l’interrompre. D’un coup, Radi a remonté sa chemise pour exhiber son ventre devant toute l’assistance, une manière de montrer qu’il n’a pas de 3ajina dans le bide. Sa pose mémorable avec son nombril poilu a été évidemment immortalisée par les photographes… Le réalisateur d’Al Aoula -n’ayant pas le sigle interdit aux moins de 12 ans dans sa console d’incrustes préenregistrées- n’a pas pu switcher vers cette scène digne d’un peep-show burlesque qui aurait fait exploser l’audimat. Ce n’est pas grave, il aura l’occasion de se rattraper. Les travaux du parlement devraient reprendre en avril. Et, rassurez-vous, nous on sera toujours là pour suivre les frasques de nos chers, très chers élus…

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