Algérie. Carnage sur sable

La prise d’otages de grande ampleur survenue le 16 janvier à In Amenas, à la frontière algéro-libyenne, a provoqué la mort d’au moins 38 personnes. Parmi les revendications des assaillants : l’arrêt de l’intervention militaire française au Mali.

Mercredi 16 janvier. Le jour vient de se lever sur le site gazier de la Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures) à In Amenas, à 1500 kilomètres au sud-est d’Alger, lorsqu’un commando de 32 hommes du groupe de Mokhtar Belmokhtar, l’un des fondateurs d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), pénètre dans les installations. Cinq jours plus tard, le Premier ministre du pays, Abdelmalek Sellal, annonçait le bilan provisoire de l’une des pires prises d’otages de l’histoire du pays : pas mois de 37 otages étrangers de huit nationalités différentes et au moins un Algérien auraient été tués entre le début de l’attaque et la reprise totale du contrôle du site par l’armée algérienne, samedi 19 janvier. La plupart d’entre eux ont été exécutés d’une balle dans la tête, d’après les explications données lundi par le Premier ministre. La mort d’un Français, d’un Américain, de deux Roumains, de trois Britanniques, de six Philippins et de sept Japonais a été confirmée. Mais cinq autres étrangers demeurent introuvables. Du côté des islamistes, trois auraient aussi été faits prisonniers et 29 abattus, toujours selon le bilan provisoire communiqué par Sellal. Au total, 685 otages algériens et 107 étrangers ont été libérés lors des assauts des forces armées. Parmi les preneurs d’otages figureraient des personnes de nationalité algérienne, canadienne, égyptienne, tunisienne, malienne et mauritanienne. La présence d’un ressortissant français, Gilles Le Guen, a aussi été évoquée, mais n’a pas été confirmée pour l’instant.

 

Solidarité à risque

Un certain nombre d’Occidentaux doivent leur survie aux employés algériens du site, qui ont parfois pris de gros risques pour les cacher ou leur apporter de la nourriture et de l’eau pendant les quatre jours qu’a duré la prise d’otages. L’Ecossais Alan Wright a témoigné, sur la chaîne de télévision Sky News, de cette solidarité, expliquant que ses collègues algériens avaient préféré fuir à travers le désert avec les étrangers plutôt que de sortir du site grâce à leur statut de musulmans.

L’attaque survient alors que la France est engagée, depuis vendredi 11 janvier, dans une opération militaire terrestre et aérienne au Mali, avec pour objectif d’en chasser les brigades de combattants d’AQMI, du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’Ansar Dine, le mouvement du Malien Iyad Ag Ghali. Les preneurs d’otages réclamaient, d’après un journaliste de l’hebdomadaire français Paris Match qui a pu s’entretenir avec le porte-parole de Mokhtar Belmokhtar, “l’arrêt de l’offensive française au Mali contre les islamistes, la libération de Omar Abdelrahman dit “le cheikh aveugle” (détenu aux États-Unis pour son rôle dans les premiers attentats contre le World Trade Center de 1993) et la remise en liberté d’une scientifique pakistanaise, Afiaa Siddiqui, également incarcérée en Amérique pour terrorisme.”

 

Alger pointé du doigt

Cependant, bien que faisant partie des revendications des combattants de Mokhtar Belmokhtar, la préparation de l’attaque du complexe gazier serait antérieure à l’intervention militaire française au Mali, et aurait nécessité plusieurs mois de préparation. Le groupe, en provenance du Mali et qui serait entré en Algérie par la frontière libyenne, a pu profiter du chaos ambiant en Libye non seulement pour passer inaperçu, mais aussi pour s’approvisionner en armes et munitions. Un grand nombre de pièces issues des arsenaux de Kadhafi y circulent en effet depuis la chute du colonel, le 20 octobre 2011.

La prise d’otages a mis le gouvernement algérien en difficulté. Les pays d’origine de certaines victimes ont fortement critiqué la décision d’Alger d’intervenir par la force sans les avoir avertis au préalable. Le Royaume-Uni, par la voix de son Premier ministre David Cameron, le Japon et les États-Unis ont ainsi fait part de leur mécontentement. Les critiques ont aussi porté sur le manque de volonté que le gouvernement algérien aurait apporté aux actions contre le terrorisme ces dernières années, se contentant d’une lutte à minima et non pas d’une véritable politique destinée à faire reculer les groupes radicaux qui se trouvent sur son territoire.

 

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