Zakaria Boualem est soulagé mais épuisé mentalement

Par Telquel

Zakaria Boualem est soulagé. Après un match durant lequel il est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, il a fini par triompher du Mozambi9 – non ce n’est pas une faute de frappe – et décrocher sa qualification à la Coupe d’Afrique. Il est aussitôt allé se coucher, épuisé par cette épreuve éreintante. C’est donc du fond de son lit qu’il a entendu les braves gens festoyer. Serions-nous devenus les îles Feroé de l’Afrique pour célébrer une simple qualification ? Que préparons-nous en cas de victoire finale ? La colonisation de l’Australie, la fondation d’un nouvel empire, ou carrément la conquête de l’espace… Schengen ? Zakaria Boualem, comme tout le monde, a adoré le score, le scénario, la volonté et l’engagement, mais il en a un peu marre du cycle affreux de l’équipe nationale. Le voici en gros : changement d’entraîneur, victoire, euphorie, gonflage de tête, défaite, défaite, débâcle, changement d’entraîneur, victoire, euphorie, gonflage de tête, défaite, défaite, débâcle… Il va donc en falloir un peu plus pour le faire sortir festoyer avec son drapeau et merci. C’est sans doute l’époque qui impose ce genre de comportement. Dans les ténèbres, une bougie a l’air d’un phare, on n’y peut rien. On se contente de peu, on n’a pas le choix… C’est ainsi que certains ont salué le Prix Nobel de physique reçu par Serge Harroche, né à Casablanca en 1944, ils y voient un triomphe marocain. C’est très bien, même si ce scientifique a quitté le Maroc à 12 ans, ne dit-on pas que ce sont les premières années qui sont les plus déterminantes ?… Il est un Marocain qui a réussi à l’étranger. Si vous êtes un peu nihilistes, vous pouvez réécrire la phrase précédente ainsi : il est un Marocain qui a réussit parce qu’il est parti à l’étranger. Mais vous n’êtes sûrement pas nihiliste, ce genre d’individu a été éradiqué, al hamdoulillah, et merci. D’autres patriotes ont festoyé à l’annonce du Prix Nobel de la paix attribué à l’Union Européenne. Notre nombreuse communauté en Europe nous positionne sans doute comme acteurs majeurs de cette réalisation formidable. Par ailleurs, notre statut de gestionnaires du sud de l’Espagne, abandonné il y a quelques années à peine, peut être considéré comme déterminant dans l’impulsion de base qui a permis à l’Europe de s’envoler vers ces sommets. Voilà, il y a donc de quoi être fier de ces deux Prix Nobel, peu de pays en reçoivent deux la même année. Zakaria Boualem voudrait attirer votre attention également sur le fait que ce bon Felix Baumgartner, héros de la semaine, a passé ses dernières vacances à Marrakech, où il aurait publiquement fait état de son admiration pour notre tournant démocratique à un gardien de voitures, enlevez-le-moi de la bouche. Pour un spécialiste de la chute libre, cette appréciation lucide est un vrai hommage. Et une réalisation de plus. Le secteur des arts est également une terre fertile en réalisations marocaines, puisque de nombreuses stars mondiales ont pris de magnifiques photos avec notre drapeau national, que demander de plus ? Si ça ne vous suffit pas, voici une liste de fierté que vous pouvez mettre de côté et relire quand vous êtes frappés de nihilisme.

Fierté numéro un : depuis l’indépendance, le championnat national de football a été systématiquement gagné par une équipe marocaine, c’est magnifique.

Fierté numéro deux : d’après le très sérieux site scientifique www.fao.org, la chèvre du Draâ présente des performances remarquables en termes de fertilité, dont un très beau taux de 7% de triplés et une puberté précoce de 5 à 10 mois, c’est formidable.

Fierté numéro trois : d’après le ministère chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, “le Maroc améliore son classement mondial sur la compétitivité, en gagnant 3 places par rapport à l’année précédente (…) le Maroc se hisse dans la 1ère moitié du classement, à la 70ème place contre la 73ème en 2011” . C’est prodigieux.

Fierté numéro quatre : Zakaria Boualem, qui ne dispose d’aucune espèce d’étude sérieuse pour valider son propos, ni de déclaration d’illustres inconnus pour lui donner du poids, la cuisine marocaine est la meilleure du monde. Pas à la 73ème place, non, number one s’il vous plaît. Et ça, c’est vraiment une fierté, et merci.