Enquête. Banques : Ces machines à fric !

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Le pays est fauché, les trésoreries sont à sec, la distribution de crédit ralentit, l’épargne se tasse… Pourtant, les établissements bancaires continuent de gagner de l’argent. Beaucoup d’argent ! Coup de projecteur sur un secteur qui ne connaît pas la crise.

Crise ou pas crise, nos banques sont de plus en plus riches. Il n’y a qu’à voir les performances financières rendues publiques par les deux premiers établissements de crédit du pays qui totalisent environ 60% des parts de marché. Leurs bénéfices -déjà à des niveaux à rendre jaloux les héritiers de Crésus- continuent de s’apprécier. Attijariwafa bank, filiale du holding royal SNI, a vu son résultat net grimper de 4% pour totaliser 2,3 milliards de dirhams durant les six premiers mois de l’année. La Banque centrale populaire (BCP) contrôlée par l’Etat, quant à elle, a vu ses gains dépasser la barre du milliard entre janvier et juin 2012. C’est donc bien parti pour une nouvelle année riche en résultats et en dividendes pour les actionnaires. Pourtant, cette année 2012 ne se présente pas sous les meilleurs auspices pour l’économie marocaine. Cette même économie que les banques sont censées financer, soutenir, accompagner, et donc d’en subir les aléas…

 

Les réserves à sec !

La situation économique, son topo vous le connaissez déjà. La crise est bien installée, tous les voyants sont au rouge : la croissance ralentit, la consommation s’essouffle, le chômage reprend du poil de la bête, la confiance des investisseurs est en berne, le déficit s’aggrave… et il y a plus d’argent qui sort du pays qu’il n’en rentre. Les réserves en devises fondent alors comme neige au soleil. Normal, le Maroc a toujours importé plus qu’il n’a exporté et notre triple vanne de 3oumla sa3ba (investissements étrangers, transferts MRE et recettes de tourisme) s’est bouchée sous l’effet d’une crise financière mondiale sans pareil. Résultat, nos avoirs extérieurs permettent aujourd’hui de couvrir, à peine, 4 mois de nos achats à l’international : un niveau jamais observé depuis plus d’une décennie. Il y a donc péril en la demeure ! Et l’argentier du royaume n’y est pas indifférent. Après avoir négocié auprès du FMI une option pour emprunter jusqu’à  6,4 milliards de dollars sur deux ans -une réserve à mettre de côté- Nizar Baraka vient d’annoncer un grand emprunt du royaume sur le marché international : entre 700 millions et un milliard de dollars à lever au plus tard en novembre. Soit une manne de près de 10 milliards de dirhams qui sera injectée dans un circuit monétaire, aujourd’hui quasiment à sec.

 

Un trou de 70 milliards…

Depuis quelques années déjà, le pays vit une crise de liquidités. Révolue l’ère où les banques marocaines croulaient sous le cash au point de ne plus savoir qu’en faire. Dès 2007, Bank Al-Maghrib a commencé à injecter des fonds dans le circuit monétaire. Et alors que le niveau d’intervention de la banque centrale ne dépassait même pas les 20 milliards de dirhams, tous les professionnels s’accordaient à dire que le pays devient “illiquide”. Maintenant que les injections de la gardienne du temple dépassent les 70 milliards de dirhams, on peut croire que le royaume est au bord de l’asphyxie…

Ce manque de cash donne bien du fil à retordre à nos banquiers. Il n’y a pas un seul directeur d’agence qui n’ait pas une histoire à raconter. “Plusieurs fois, on a dû vider le guichet automatique pour disposer des liquidités nécessaires pour faire face au retrait”, raconte celui-ci. “Quand on fait des appels de fonds au siège, il faut attendre son tour, pour finalement recevoir moins de cash que ce qu’on demande”, surenchérit celui-là. “Il m’arrive de plus en plus d’implorer mes gros clients de venir effectuer des dépôts et, surtout, je les supplie de me prévenir un peu à l’avance quand il s’agit de retraits importants”, confie ce directeur d’agence.

 

Tout va bien, merci

Il n’empêche que ces petits tracas du quotidien ne pèsent pas tant que ça sur les performances financières des groupes financiers. Et pour cause, les banques arrivent à trouver tout le cash qu’il leur faut auprès de la banque centrale. Car si les injections de l’institution d’émission ont augmenté, c’est que celle-ci n’ose plus rien refuser aux banques quand il s’agit de rassasier leur soif de liquidités. Un indicateur qui ne trompe pas : les appels d’offres à sept jours lancés par Bank Al-Maghrib en 2010 était satisfaits à hauteur de 53% ; une année plus tard, ce taux est passé à 71%, et depuis début 2012 la moyenne flirte avec les 95%. Les banques demandent alors de plus en plus d’argent et la banque centrale leur accorde à des prix encore plus bas… En effet, le taux directeur, soit le prix d’achat d’argent par les banques, a été ramené en mars dernier à 3%, soit le niveau le plus bas jamais observé au royaume. En jouant sur cet instrument, Bank Al-Maghrib cherche à garantir au système bancaire les ressources nécessaires pour accorder des crédits aux ménages et aux entreprises sans qu’il y ait d’augmentation des intérêts. Mais les banques ne répercutent que partiellement cette baisse du coût de refinancement sur les taux appliqués à leurs clients. En gros, elles arrivent à maintenir intact leurs marges d’intermédiation, voir à les améliorer. D’autre part, elles préfèrent orienter leurs ressources vers les placements les moins risqués. Comprenez, elles préfèrent prêter à l’Etat plutôt qu’au privé. Les statistiques de Bank Al-Maghrib sont assez éloquentes : les crédits bancaires accordés au secteur public ont augmenté de 19% depuis le début de l’année, alors que les prêts aux entreprises et aux ménages ont progressé de 4% seulement. Autre indicateur : le poids de plus en plus lourd des placements et investissements en bons du Trésor. Ceux-ci ont bondi de 24% durant l’année 2011 pour atteindre les 86 milliards de dirhams, soit un bon tiers de la dette intérieure de Maroc SA.

 

La crise arrive

Il n’empêche que le secteur bancaire commence à manifester des signes d’essoufflement. Durant les six premiers mois de l’année, les dépôts de la clientèle accusent une baisse de quelque 6 milliards de dirhams, du jamais vu au royaume. “La levée de l’anonymat sur les bons de caisse nous a fait beaucoup de mal, témoigne cette directrice d’agence bancaire. Des clients préfèrent louer des coffres-forts et les bourrer de cash plutôt que de révéler le volume de leurs dépôts”. Mais les banquiers trouvent toujours la parade pour orienter les clients vers des produits alternatifs (des produits d’assurances essentiellement) et encaisser au passage des commissions. En parallèle, la distribution de crédit ralentit et les mauvais payeurs sont de plus en plus nombreux avec un taux de contentieux qui dépasse désormais les 5%. “A part les grandes banques qui tirent leur épingle du jeu, les autres acteurs du secteur vont à terme avoir des difficultés à gagner autant d’argent”, anticipe cet analyste financier. D’autant qu’il sera de plus en plus compliqué de se refinancer à petits frais. Bank Al-Maghrib ne pourra pas continuer de baisser le taux de la réserve obligatoire (le filet de sécurité de dépôts que les banques sont obligées de garder auprès de l’institut d’émission) ni d’injecter indéfiniment de l’argent sur le marché monétaire. “Les banques doivent présenter des contreparties, soit en bons du Trésor soit en certificats de dépôts, à la banque centrale pour pouvoir bénéficier de ces avances à sept jours. Et à ce rythme, le système atteindra bientôt sa limite”, explique un responsable à la banque centrale. A un moment ou un autre, les établissements bancaires devront donc trouver des sources stables de financement. Surtout que les exigences prudentielles réglementaires  sont en train de se renforcer. Les établissements de crédit ont en effet jusqu’à juin 2013 pour se plier à de nouvelles règles qui les obligeront à augmenter sensiblement leurs fonds propres. “Seules les grandes enseignes pourront suivre le rythme et arriveront à traverser cette phase difficile tout en préservant leur niveaux de rentabilité”, explique se professionnel. La crise arrive donc doucement mais sûrement. En attendant, les banques ont encore de la marge pour continuer à se faire des milliards.

 

Bancarisation. La chasse aux clients

54% C’est le taux de bancarisation au Maroc à fin 2011. C’est donc un peu plus de la moitié de la population qui dispose d’un compte bancaire. L’autre moitié vit encore en dehors du circuit, loin des projecteurs, préférant encore le cash aux carnets de chèques et cartes de guichet, et la jallija aux comptes d’épargne. Disons que le Maroc a fait des progrès par rapport à d’autres pays comparables : il y a dix ans, seul un Marocain sur quatre avait un compte, et le taux de 54% atteint aujourd’hui est l’un des plus élevés du continent, après l’Afrique du Sud. Bank Al-Maghrib se fixe désormais un objectif de 66% de bancarisés d’ici fin 2013. Et les banques font tout pour l’atteindre. C’est même la bataille d’aujourd’hui. Conquérir le plus de clients, ouvrir le plus de comptes, collecter le plus de dépôts, c’est être le plus armé pour répondre aux besoins de l’économie, et faire tourner la machine à sous. Une bataille qui se joue désormais dans le monde rural, les zones périurbaines et les quartiers populaires. Son nom de code : le low income banking, ou la banque du pauvre pour être plus direct. Toutes les banques s’y sont mises, à coups d’ouvertures d’agences tous azimuts, de montage de produits dédiés, et de campagnes de com’… Certaines sont allées jusqu’à créer un nouveau concept de la banque : des agences-caravanes qui sillonnent les souks hebdomadaires pour convaincre les derniers rétifs. Mais pas sûr que ça marche. Car au-delà des “pauvres”, il reste encore une large frange de la population qui refuse toute relation avec la banque classique, car jugée “usurière” et donc contraire à leurs convictions religieuses. Nombreux, ces gens-là n’attendent qu’une seule chose : la banque islamique. Vieille revendication du PJD, parti islamiste aujourd’hui au pouvoir, le lancement de la première banque halal n’est qu’une question de semaines. Le gouvernement l’a en tout cas promis pour 2013… Le temps que Bank Al-Maghrib prépare son projet de réforme de la loi bancaire, qui sera soumis au parlement avant la fin d’année.

 

Qui veut gagner des milliards…

Combien elles pèsent ? Qui les contrôle ? Où trouvent-elles l’argent ? Que font-elles avec ? Dix chiffres à neuf zéros qui en disent long sur les banques marocaines…

 

10 milliards de bénéfices nets

En 2011, pourtant année de crise économique et de tensions sociopolitiques, les banques ont réalisé quelque 10,1 milliards de dirhams de bénéfices nets, soit 300 millions de dirhams de plus qu’en 2010, et près de 1 milliard par rapport à 2009. Ces bénéf’ mirobolants découlent d’un Produit net bancaire (PNB) de 36 milliards de dirhams. Principal indicateur de la bonne tenue de l’activité d’une banque, le PNB est pour la banque ce qu’est le chiffre d’affaires pour une entreprise commerciale. Il comprend la marge sur intérêts, les différentes commissions et les gains sur les opérations de marché. Avec ce niveau de bénéfices, le secteur  reste un des plus rentables de l’économie. 100 dirhams de fonds propres rapportent dans les 13,5 dirhams par an. Toutefois, ce ratio est en baisse ces derniers temps : il frôlait les 15% il y a à peine deux ans. Et cette tendance devrait s’accentuer avec le ralentissement de l’activité et la nécessité pour les banques d’augmenter leurs capitaux propres.

 

4 milliards pour les actionnaires

L’Etat est présent dans le tour de table de quasiment tous les établissements bancaires, que ce soit directement où à travers différentes structures (filiales de la CDG, mutuelles…).

Mais le secteur public n’est actionnaire majoritaire que dans cinq banques. Et elles sont loin d’être les plus performantes au niveau commercial : 13,6% des crédits et 14,4% des dépôts. Les banques à capitaux majoritairement étrangers, au nombre de sept, sont plus dynamiques avec respectivement 22,2% et 19,8% de crédits et dépôts. Mais ce sont les banques contrôlées par le secteur privé national qui volent la vedette. Et pour cause, les trois premières banques du royaume font partie de cette catégorie-là (Attijari, BCP et BMCE). Elles concentrent à elles seules les deux-tiers des parts de marché. Elles sont également les banques les plus rentables puisqu’ elles réalisent plus de 7 milliards de dirhams de bénéfices sur les 10 milliards de résultats de l’ensemble du secteur. Rares néanmoins sont les grands groupes privés marocains à avoir des participations importantes dans le capital des banques. Ils se comptent sur le doigt d’une main : il y a bien sûr le holding de la famille royale, SNI, qui contrôle Attijariwafa bank, ainsi que le groupe Benjelloun (Finance.com et RMA) qui détient la BMCE. Viennent s’y ajouter les familles Bensalah (Holmarcom) et M’zali (Devco Souss) qui ont des participations significatives dans d’autres établissements contrôlés par des banques françaises. Sur les 4,2 milliards de dividendes distribués par les 7 plus grandes banques commerciales du royaume, les 4 conglomérats marocains ont empoché près de 1,2 milliard. Une coquette somme qui dépasse les 820 millions de dirhams qui reviennent aux groupes étrangers ou encore le milliard distribué aux différentes entités publiques.

 

970 milliards d’actifs

Les banques totalisent un bilan pour près de 1000 milliards de dirhams. C’est 200 milliards de plus que tout le PIB du pays. Stratosphérique ! 8% de ce montant appartiennent effectivement aux banques. Le gros du pactole, c’est l’argent des particuliers et des entreprises. Mais s’il existe 19 banques agréées au Maroc, l’essentiel des actifs reste concentré chez une poignée d’établissements. Les 3 premières banques du royaume réunissent à elles seules les deux-tiers des dépôts et des crédits. Et pour les 6 enseignes cotées en Bourse, les parts de marché dépassent la barre des 80%. Ces dernières totalisent, en plus, 154 milliards de dirhams de capitalisation boursière, soit un tiers de la place casablancaise. Véritable locomotive de tout le marché financier, le secteur bancaire est aussi un grand contribuable. Rien qu’en impôt sur les sociétés, les banques ont payé 4,8 milliards de dirhams.

 

386 milliards de cash gratos

“Le Maroc, le plus beau pays du monde”. Ce slogan est valable quand on est banquier. Parce que chez nous, plus de la moitié des ressources des banques sont gratuites. Sur les 677 milliards de dirhams déposés dans les coffres-forts des banques, 386 milliards proviennent de ce qu’on appelle dans le jargon des cols blancs les comptes à vue, des comptes-chèques dans le langage courant. En France, en Tunisie, en Egypte ou même en Jordanie, les soldes créditeurs des comptes-chèques sont rémunérés gracieusement, et leurs rendements peuvent aller jusqu’à 6%. Au Maroc, le compte où vous recevez votre virement de salaire ne produit aucun intérêt. Pis encore, il est taxé de toutes sortes de commissions et de frais pour des services dont vous ne comprenez même pas l’intitulé, encore moins l’utilité. Ironie de l’histoire, cette même manne gratuite dont disposent les banques vous est revendue très cher, quand vous voulez acheter votre appart’ ou changer de voiture.

 

189 milliards de crédits aux ménages

Si les particuliers sont la première source de cash pour les banques, avec une part de 75% de l’ensemble des ressources du secteur, ils sont en revanche loin d’être les premiers bénéficiaires de cette manne. Ainsi, sur les 677 milliards de dirhams de crédits distribués par les banques à fin 2011, les particuliers n’ont eu droit qu’à 189 milliards, soit 27,6% de l’encours global. Pour certains, cet argent sert à acheter une voiture, à financer des vacances, ou à boucler tout simplement les fins de mois difficiles… Pour d’autres, moins nantis, cela part plutôt dans l’achat de moutons, d’appareils électroménagers ou pour  rembourser d’autres dettes. Mais la majorité, à peu près les trois-quarts, s’en sert pour l’achat de logement. Le reste de l’encours bancaire, le plus gros morceau, va plutôt être utilisé pour financer de nouveaux business ou pour alimenter la trésorerie de firmes opérant dans des secteurs connus pour leurs gros appétits, comme la promotion immobilière, le BTP, l’industrie ou encore le tourisme. C’est un peu normal. Une banque, ça sert d’abord à financer des entreprises, l’investissement productif.

 

27 milliards de marges d’intérêt

De Wall Street à la City de Londres, en passant par les nouvelles places asiatiques, le développement de l’art de la finance a changé notre perception de la banque. On nous bombarde de mots techniques, souvent anglo-saxons (spread, swap, warrants… la liste est longue) et de montages trop complexes. Résultat, on ne sait plus ce que fait une banque exactement. Au Maroc, les choses sont beaucoup plus simples. Heureusement… Ou pas. Nos banques font le métier de leurs ancêtres, les Vénitiens : elles achètent de l’argent à des gens bien pourvus, et le revendent plus cher à ceux qui en ont besoin. Ce boulot d’intermédiaire a un prix : c’est ce qu’on appelle dans le jargon “la marge d’intérêt”. Et ce boulot, nos banques y sont plutôt douées, de véritables usines à cash. En 2011 par exemple, elles ont engrangé pas moins de 27 milliards de dirhams de marge d’intérêt, en achetant votre argent à 1,93% en moyenne et en le revendant plus cher, à 5,22%. Ce différentiel de taux peut paraître minime, mais il a permis aux banques d’engranger l’équivalent du volume d’investissement d’un TGV.

5 milliards de commissions facturés

Même si Bank Al-Maghrib a imposé depuis 2010 la gratuité pour plusieurs services au guichet, les banques continuent de réaliser une partie non négligeable de leurs produits via des commissions prélevées ici et là. Un chèque certifié pour 27 dirhams, un retrait dans un guichet pour six dirhams, des frais de tenue de compte pour 89 dirhams… Ces petits montants qui ne vous dérangent pas trop dans vos relevés permettent aux établissements d’encaisser quelque 2,6 milliards de commissions sur moyens de paiement et fonctionnement de comptes. Il y a aussi les commissions sur les dossiers de crédit, sur les produits d’assurances, sur les opérations de marché… Le tout permet de rapporter quelque 5 milliards de dirhams par an, de quoi couvrir par exemple un bon tiers de leurs charges d’exploitation.

 

86 milliards de bons du Trésor

Une bonne moitié du portefeuille des banques est constituée de bons du Trésor, la dette souveraine sur Maroc SA, la plus sûre qui puisse exister sur la place. Pour l’année 2011, la valeur de ces bons chez les banques a bondi de 24%. Une progression qui s’explique par le recours massif de l’Etat à l’endettement intérieur, mais aussi par le souci des banques d’investir dans des valeurs liquides, mobilisables à tout moment et qui ne présentent pas de risques. Les placements des établissements bancaires dans la dette publique passent aussi par les titres de propriété qu’elles détiennent dans les OPCVM, ces organismes qui sont devenus un des plus gros bailleurs de fonds de l’Etat avec un encours de 75 milliards de dirhams des bons du Trésor émis par adjudication.

 

175 milliards de dettes

Les banques se font crédit entre elles… Et pour des montants mirobolants : 90 milliards de dirhams d’encours à fin 2011. Mais détrompez-vous, c’est la banque centrale qui arrose tout le monde ces derniers temps. Les banques lui doivent 34 milliards de dirhams, soit trois fois plus qu’une année auparavant. Le refinancement entre banques locales a sensiblement baissé (-7%) pour atteindre 23 milliards dont près de la moitié est exigible à court terme. C’est que le cash manque cruellement. Les banques ont d’ailleurs de plus en plus recours à du financement par la voie du marché. Les certificats de dépôts ont explosé de quelque 15 milliards de dirhams. Et il y a aussi le recours aux dettes subordonnées dont l’encours atteint désormais les 21,6 milliards de dirhams. L’avantage de ce type d’endettement, en vogue depuis quelques années, est de permettre de renforcer les capitaux propres assimilés et de se donner de la marge quand il s’agit de ratios prudentiels.

 

33 milliards d’impayés

L’encours des créances en souffrance se réduisait d’année en année depuis 2005. Mais d’un coup, il a grimpé de 10%. Il témoigne ainsi de la dégradation de la solvabilité de certains secteurs, notamment les bâtiments et travaux publics, le transport maritime ou encore le tourisme, touchés de plein fouet par la crise internationale. Mais, dans l’ensemble, la moyenne des impayés est restée stable autour de 4,8%, et ils sont couverts à hauteur de 69% par des provisions. Les indicateurs de solvabilité bancaires ont malgré tout lâché du terrain. L’exposition au risque de crédit a augmenté de 7%, impactant donc les indicateurs d’adéquation des fonds propres du secteur bancaire. D’ailleurs, certaines banques devront renflouer leurs capitaux suite aux nouvelles règles prudentielles auxquelles il va falloir se soumettre dès juin 2013.

 

Expansion. La conquête africaine

Se sentant à l’étroit sur le marché local, les banques marocaines ont déplacé la guerre des parts de marché en Afrique. Les précurseurs restent bien sûr la banque royale Attijariwafa bank et la BMCE Bank de Othman Benjelloun. La première a tissé sa toile dans 11 pays subsahariens et compte en couvrir plus de 16 d’ici 2015. BMCE n’est pas restée les bras croisés devant cette montée en puissance de son éternel rival. En 2007, le magnat de la finance met la main, via sa filiale londonienne, sur Bank of Africa, et fait d’une seule pierre 15 coups : la BOA étant présente à travers ses filiales bancaires dans plus de 15 pays au sud du Sahara. Mieux, Benjelloun ambitionne de couvrir l’ensemble du continent noir à l’horizon 2025, y compris les pays anglosaxons, où Attijariwafa bank est aux abonnés absents. Pendant ce temps-là, la BCP s’est fait doubler et est restée loin de cette course d’influence… mais pas pour longtemps. La banque du cheval a pris en juin 2012 le contrôle de la Banque Atlantique, un groupe panafricain présent dans 7 pays d’Afrique francophone, et qui devrait lui générer cette année pas moins de 769 millions de dirhams de bénéfices. De son côté, Othman Benjelloun déguste déjà les fruits de ses conquêtes, sa banque ayant remonté quelque 640 millions de dirhams de bénéf’ en 2011 pour un produit net bancaire de plus de 2,7 milliards de dirhams, réalisé entièrement en Afrique. Quant à Attijari, ses filiales africaines pèsent désormais pour le tiers dans son produit net bancaire, qui s’est fixé à plus de 15 milliards de dirhams à fin 2011.

 

Tableau :

Les banques cotées en chiffres

 

  Bénéfices Dividendes Dépôts Crédits
Attijariwafa bank   4459   1711               218 815          230 682  
BCP    1827    724      183 585 170 498  
BMCE            850 516      139 152           121 343  
BMCI             813      332      43 483 58 431  
Crédit du Maroc        332 295 33 712 35 276  
CIH     368 293      18 722

26 951 

 

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