Zakaria Boualem est rentré de vacances

Par Réda Allali

Zakaria Boualem est de retour de vacances, souple sur ses appuis, le regard vif et sec comme un iguane. Il a déguerpi le lendemain du aïd le petit, estimant qu’il avait largement accompli ses devoirs vis-à-vis de la communauté des croyants, que Dieu lui vienne en aide, et il a mis les voiles sur le Portugal. Pourquoi le Portugal ? Et avec qui ? ça ne vous regarde pas, et merci. Un peu de culture générale, plutôt. Au début, il n’y avait qu’un seul peuple, les Ibères, qui, après avoir viré nos ancêtres, se sont mis à festoyer bruyamment. Certains se sont plaints des nuisances sonores, et on leur a aussitôt proposé de se mettre dans un coin pour pouvoir se coucher tôt. Ils ont fini par monter des frontières et créer un pays. Voilà pourquoi les Portugais se couchent tôt et mangent bien alors que les Espagnols boivent toute la nuit et se nourrissent juste pour ne pas tomber dans les pommes. Zakaria Boualem a ainsi pu passer dix jours de suite sans écouter de technodanceelectrohouse et en se nourissant de sardines à prix mounassib, ce qui est une assez bonne définition du bonheur. Oubliez vos préjugés absurdes sur ce beau pays et ses habitants. Vous vous souvenez sûrement de la version 1.0 du Portugais, c’est Fernando Chalana et sa moustache glorieuse, regardez sur Google Image pour comprendre l’ampleur du truc s’il vous plaît. Oui oui, faites-le vraiment, vous ne le regretterez pas. Mais cette version est périmée depuis longtemps. Il y a ensuite eu la version 2.0, celle de Luis Figo, qui se contentait de porter sa moustache au-dessus des yeux et qui avait le plus grand mal à contenir sa pilosité galopante. On raconte qu’il se rasait à la mi-temps. Dans cette version, on parle de se raser le visage, soyons clair, on est encore dans le classique. Et enfin la version actuelle, celle de Ronaldo, rasé des pieds à la tête. Voilà, c’est dit : le Portugal regorge de Ronaldo, des jeunes hommes surpuissants, lisses comme des anguilles, tatoués et gélifiés – soit tout ce que Zakaria Boualem n’est pas. Les demoiselles, de leur côté, se promènent nonchalamment sur les plages avec des slips trop petits. La fesse, sachez-le, est devenue un organe qu’il est naturel d’exhiber à la planète quelle que soit sa forme, un peu comme le nez. Bon, il paraît que le Portugal est en crise, soit. On veut bien croire les spécialistes, même si le Portugais moyen en crise a l’air de vivre mieux que le Marocain moyen sans crise. Le grand-père de Zakaria Boualem, qui lit ces lignes en même temps que vous, explique, comme il en a l’habitude, qu’il se souvient très bien du temps où les Bertquize venaient au Maroc quémander du boulot, quitte à être payés en loubia. Le malheureux pense rabaisser les Portugais en les renvoyant à leur passé alors que c’est nous qui devrions nous demander comment nous en sommes arrivés là en partant du même point…

Bref, Zakaria Boualem a passé de très bonnes vacances, hamdoullah, même s’il aurait bien voulu claquer son fric chez nous. Mais bon, que voulez-vous, il y a plus d’animations et de spectacles dans la dernière ville de l’Algarve que dans l’ensemble du littoral marocain. Nous on préfère saturer les plages de drapeaux nationaux. Disons que c’est une autre conception de l’animation, pourquoi pas… Donc Zakaria Boualem revient de vacances et il apprend qu’au beau milieu d’un procès, les accusés se sont plaints d’avoir été violés dans un commissariat. C’est un peu étonnant, parce que la nouvelle Constitution interdit cette pratique, ce qui laisse penser d’ailleurs que la précédente la tolérait. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que tout le monde trouve ca normal, que les braves gens sont convaincus que ça n’arrive qu’aux autres, qu’ils ont dû un peu le chercher. Meziane, on progresse bien. Il a à peine fini d’être étonné qu’on lui annonce un dramatique accident de car, 42 morts. Allah y r7amhoum. Bon, c’est reparti, donc…