Exposition. Another pic’ in the Wall

Une demeure rbatie, vouée à être détruite, a accueilli une vingtaine d’artistes contemporains, qui ont réalisé des œuvres sur les lieux. Visite guidée.

Rabat, quartier Souissi. à l’angle de l’avenue des princesses et la rue Benachir Jazouli, le prix du mètre carré, déjà très élevé, aurait pu flamber encore plus, avec les installations réalisées in situ par des artistes contemporains -parfois à même les murs- s’il ne s’agissait d’œuvres éphémères. De fait, une fois terminée l’exposition Between Walls, la villa qui accueillait l’évènement sera partiellement rasée et une bonne partie des œuvres inédites, conçues sur 2000 m2 par plusieurs artistes contemporains, disparaîtront sous les décombres.

Entre quatre murs

Il y a quelques mois, Yasmina Naji, commissaire d’exposition, décidait avec son mari d’organiser une exposition dans la maison qu’ils possèdent. Celle qui était en charge de l’Espace Expressions CDG pendant quelques années met à profit son carnet d’adresses et parvient à réunir autour de son idée 24 artistes nationaux et internationaux, de M’Barek Bouhchichi à Fouad Bellamine, en passant par Fadila El Gadi, Mohamed El Baz, Philippe Délis et bien d’autres. Après avoir déménagé, le couple met sa demeure à disposition d’artistes, appelés à refaire la déco. Tarik Oualalou a ainsi fait parler la massue en abattant les cloisons murales tout le long de la maison et en perçant le toit. Résultat, les visiteurs se sont instinctivement mis à emprunter une des ouvertures réalisées par le plasticien, qui est devenue la nouvelle entrée de la maison. Alors que la résidence s’est retrouvée scindée en deux parties, séparée par un couloir qui, outre la perspective qu’il offre, permet de découvrir la totalité des pièces dans un parcours interactif, les trous faits dans le plafond font office de puits de lumière. Histoire d’épargner les murs porteurs et que le ciel ne tombe pas sur la tête des visiteurs, cette œuvre a été réalisée avec le concours gracieux d’une entreprise de BTP qui a dépêché ingénieurs et techniciens sur le “chantier artistique”.

L’origine du monde

En pénétrant les lieux, on tombe nez à nez avec un peloton militaire composé de mannequins en plastoc, fesses à l’air, vêtus de vestes militaires kaki, de la créatrice de mode Fadila El Gadi, estampillées des motifs des cartes espagnoles de la fameuse “Ronda”, dessinées par le plasticien Mohamed El Baz. En s’engouffrant davantage par le corridor, le visiteur découvre une gravure sur mur, forte de sens. Mustapha Akrim a taillé au burin une phrase des Ghiwane : “Ya jemmal, red jmalek 3lina”, à traduire par “ô gardiens de chameaux (allusion aux gouvernants), rends-nous nos chameaux”. Pour poursuivre la visite, il faut enjamber un dos d’âne en goudron, réalisé par Younes Baba Ali. “C’est une création qui a beaucoup interpellé les visiteurs. Elle pose une question importante : l’œuvre a-t-elle vocation à être utile ?”, interrogeYasmina Naji. Question rhétorique au demeurant. L’objectif étant surtout de permettre à certains artistes de gagner en visibilité. “Le message que nous souhaitons faire passer aux collectionneurs ou aux amateurs d’art, c’est qu’ils  peuvent demander à un artiste de confectionner une œuvre chez eux, tout comme la ville peut solliciter des créateurs et leur commander une œuvre à tel ou tel endroit. Au final, n’importe quel lieu peut potentiellement accueillir des œuvres d’art”, assure Naji.

Carte blanche

En passant par la case salon, on découvre des photos noir et blanc de nu réalisées par Fouad Bellamine. L’artiste marocain -un de nos rares compatriotes à avoir droit de cité dans le Larousse des artistes- revisite L’Origine du monde de Courbet, avec une 9ouba (dôme) masquant en partie l’intimité du modèle photographié. Une série de clichés qui, pensait-on, ferait beaucoup parler d’elle. Tant et si bien que, durant les premiers jours de l’exposition, les organisateurs ont renforcé la sécurité, histoire de prévenir tout risque de dérapage. Mais au final, RAS. Ou plutôt, si : un agent de sécurité a tellement apprécié les installations qu’il est revenu durant un jour de congé avec des amies qui portaient le 7ijab. “En fait, certains sont dérangés par telle ou telle œuvre, ou ne la trouvent pas de bon goût, alors que d’autres peuvent adorer”, estime la maîtresse des lieux, qui a donné carte blanche aux artistes invités. “Nous voulions que les artistes soient eux-mêmes, qu’ils n’aient aucune contrainte à respecter. Cela nous paraissait important, étant donné que nous sommes pour un art libre”, explique Yasmina Naji. Et la cinquantaine de visiteurs quotidiens n’ont rien trouvé à y redire.

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