Studios. Cherche désespérément producteurs

Les tournages étrangers se font de plus en plus rares au Maroc et y laissent de moins en moins d’argent. La crise semble s’installer dans le secteur et les mesures de relance tardent à venir. Zoom.

“Nos prix ont baissé !”. Abderrazak Zitouni, directeur de la Ouarzazate Film Commission (OFC), ne se lasse de répéter cet argument pour convaincre les producteurs étrangers de venir tourner au royaume. Promouvoir Ouarzazate, notre Kasbahllywood, est pour Zitouni un job, le rôle de sa vie et la raison d’être de la structure qu’il dirige. Pour ce faire, il ne rate pas le moindre événement international où se réunissent les grands du 7ème art. Le 12 juin dernier, il était à Los Angeles à l’occasion de l’AFCI Location Trade Show, la grand-messe annuelle des professionnels du cinéma. Sur place, Zitouni a tenté de vendre de son mieux la destination Maroc, notamment à des mastodontes du secteur comme la Warner Bros, en mettant en avant les atouts du pays : infrastructures modernes, cadre naturel rare, main d’œuvre qualifiée… Une véritable opération séduction, déployée pour remédier à la baisse du nombre de tournages étrangers au Maroc. “Les producteurs étrangers, notamment anglo-saxons, sont de plus en plus ‘frileux’, nous explique-t-il. Ils rechignent désormais à venir travailler dans des pays arabes”. Il faut dire que le Printemps arabe est passé par là.

Les assurances dans le champ

En 2011, Ridley Scott, un connaisseur de Ouarzazate (il y a tourné Gladiator en 1999), annonce son intention de s’y réinstaller pour le tournage des scènes extérieures de son blockbuster Prometheus. Les préparatifs du tournage débutent dans les studios CLA, dirigés par Amine Tazi. C’est alors qu’éclot le Mouvement du 20 février. Résultat, les assurances augmentent le “risque pays” du Maroc et le tournage est forcé de déménager en… Islande, quitte à changer de décor. Amine Tazi soupire : “Je n’ai pas encore vu le film, mais j’imagine que le scénario a carrément dû être remanié du fait de ce changement de programme.” Noureddine Saïl, directeur du Centre cinématographique marocain (CCM) qualifie cette affaire de “véritable catastrophe”.

Pour se faire une idée de la baisse de régime, rien ne vaut les chiffres. Ils sont parlants. Selon les données du CCM, 22 longs métrages et téléfilms étrangers ont été tournés au Maroc en 2009. En 2011, on ne comptait que cinq tournages du genre. En 2012, légère progression : le chiffre arrive à neuf. Aucune production américaine cependant : on ne trouve plus que des Orientaux et des Européens pour venir faire jouer leurs acteurs sous le soleil marocain. Résultat, le chiffre d’affaires annuel réalisé grâce aux tournages étrangers a considérablement baissé. En 2008, il avoisinait les 910 millions de dirhams. Il n’a cessé de chuter jusqu’en 2011, où il a atteint 98 millions, le plus mauvais chiffre depuis 2005. Pour 2012, Saïl assure que l’on repassera au-dessus de la barre des 100 millions. Mais on reste loin des performances d’avant la crise financière…

Rude concurrence

Si la sécurité pose un véritable souci et que la morosité du milieu des affaires rend les productions plus prudentes, ce ne sont pas les seuls soucis des professionnels marocains qui doivent aussi faire face à la concurrence d’autres pays : l’Espagne, la République tchèque et l’Afrique du Sud. Dans ces pays, les régions accueillant des tournages pratiquent la politique des “Tax credits” : elles financent une partie des coûts de production, un effort très attractif. En amont, elles offrent aux productions les frais de repérage : les équipes peuvent se balader gratis pour jauger la qualité de l’offre. Enfin, déplore Amine Tazi, “les Marocains sont à la traîne en matière de coproduction. En Afrique du Sud par exemple, les producteurs locaux n’hésitent jamais à mettre la main à la poche pour travailler main dans la main avec les productions étrangères.” Un plus pour ces dernières qui voient leurs frais allégés. Et Saïl de tonner : “On trouve même des pays qui donnent de l’argent sans compter, à condition que les productions emploient de la main d’œuvre locale, c’est un dumping énorme, difficile à concurrencer !” Contre tout cela, le Maroc n’offre qu’un cadeau sur le plan financier aux prods : le non-paiement de la TVA.

Dans l’urgence, les professionnels, n’ont eu qu’une possibilité : “Réajuster notre politique commerciale”, lâche pudiquement Tazi. Autrement dit, baisser les tarifs pour palier divers coûts, tels que ceux des assurances. D’ailleurs, on prépare, entre autres, une gigantesque base de données qui serait accessible –gratuitement – aux productions étrangères qui y trouveraient, par exemple, des figurants sans devoir “caster” dans toute la région. “L’idée d’offrir les frais de repérage fait aussi son chemin”, nous confie Zitouni. Les premières visites guidées gracieusement prises en main par l’OFC, à l’attention des producteurs pas totalement convaincus, pourraient avoir lieu fin 2012. Saïl, lui, se veut confiant pour la suite : “Le travail de l’OFC, notamment promotionnel, est assez récent. Il va payer, et je pense qu’on ressentira son impact fin 2012.” Espérons que l’avenir lui donne raison…

 

Etrangers. Et pourtant ils tournent…

Ils sont tout de même quelques uns à planter leur caméra en terre marocaine cette année. Petit tour des principaux tournages étrangers de 2012. Le romancier Abdellah Taïa se prépare à adapter son roman L’Armée du Salut en film – une production française— ; un mois de tournage est prévu à cet effet. Gageons que le tournage d’un film mettant en scène un homo marocain ne tardera pas à faire le buzz. Autre production française, autre style : l’humoriste Michael Youn était au Maroc début juin. Dans son film Vive la France, il incarne un terroriste originaire du “Taboulistan” (le pays du taboulé). De son côté, le réalisateur égyptien Tarik Al Arian utilise les décors naturels du Maroc pour  tourner 1001 nights, un remake du livre bien connu Les Mille et une nuits, un film très attendu par le public moyen-oriental.

 

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