Présidentielles françaises. François, Nicolas et les autres

Le 6 mai, la France élira son président pour les cinq prochaines années. Cette lutte, qui oppose François Hollande à Nicolas Sarkozy, s’annonce très serrée. Les votes de l’extrême droite seront probablement l’arbitre du second tour. Décryptage.

La joie aura été de courte durée. Au siège du Parti socialiste (PS), à Paris, on pouvait lire l’inquiétude sur les visages des membres du bureau. Leur candidat, François Hollande, est certes arrivé en tête au premier tour des élections présidentielles avec plus de 28% des voix, mais le score de Marine Le Pen inquiète. La candidate du Front national (FN) a créé la surprise lors de ce scrutin avec un record de votes qui ont fait d’elle “le troisième homme” de cette campagne. Ce sont plus de 6 millions de Français qui ont voulu porter l’extrême droite au sommet de l’Etat. Un signe fort que la gauche, donnée gagnante au second tour par tous les sondages, ne peut ignorer.

“Ce qui est sorti des urnes est très dur. Ce pays n’est pas seulement à redresser économiquement et fiscalement. Il doit l’être aussi moralement et politiquement”, estime Razzy Hammadi, secrétaire national du PS aux services publics. Pour ce dernier, la France récolte les fruits de  “la politique de division menée par le président sortant”. Nicolas Sarkozy a été relativement sanctionné par les urnes puisqu’il arrive en seconde position avec 27% des voix. Contrairement à 2007, le candidat de l’UMP n’a pas réussi à s’attirer massivement les votes du FN. Une seule question est désormais sur toutes les lèvres : vers quel candidat vont se reporter les voix recueillies par Marine Le Pen ?

Sarko dans la tourmente

“Les petits, les sans-grade, tous ceux dont l’opinion ne compte pas […] les Français qui n’en peuvent plus”.Ce sont eux la cible de Nicolas Sarkozy. Lundi 23 avril,  il a commencé sa campagne du second tour en s’adressant clairement aux électeurs du FN. D’abord en les déculpabilisant : “Quand on souffre, on a le droit de faire le choix que l’on veut” ; pour mieux les convaincre : “Moi je leur dis, je vous ai entendus”.  Le candidat président est désormais coutumier des tentatives de récupération de l’électorat FN. Ses déclarations sur la viande halal, l’immigration, la sortie de Schengen, l’opposition entre la France qui travaille dur et celle des “assistés”… ont fait partie de cette stratégie. Le président a même appelé à un grand rassemblement le 1er mai pour fêter le “vrai travail”, en même temps que le traditionnel défilé du Front national.

Mais ces efforts consentis par le candidat de l’UMP pour chasser sur les terres de l’extrême droite pourraient ne pas porter leurs fruits. “J’ai voté pour Marine Le Pen car je voulais soutenir une candidate qui était hors du système. Au second tour, je donnerai ma voix à Hollande. Y en a marre de Sarkozy”, fustige Michel, 49 ans. Les voix du FN pourraient donc ne pas bénéficier automatiquement au candidat de la droite. Selon un sondage Ipsos, 60% des électeurs de l’extrême droite voteraient pour Nicolas Sarkozy, 22% s’abstiendraient et 18% choisiraient le candidat du PS. Il est aussi peu probable que Marine Le Pen appelle à voter pour le président sortant. 

Une gauche optimiste

Même si la droite est majoritaire en France (en cumulant les votes pour le candidat de l’UMP et ceux pour le FN), les premiers sondages donnent François Hollande gagnant au second tour avec près de 54%. Il bénéficierait le plus des reports de voix. Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon (11%), a appelé à voter contre Nicolas Sarkozy, et un tiers de l’électorat de François Bayrou (9%) voterait pour François Hollande au second tour. “Nous sommes confiants”, ont déclaré dimanche 22 avril de nombreux ténors du PS, dont Lionel Jospin.

Cela n’empêche pas pour autant la gauche de lorgner en direction de l’électorat de Marine Le Pen. Dans un brief adressé à la presse au siège du PS le soir du premier tour, Manuel Valls, directeur de la communication du candidat socialiste, a confirmé que “le Parti socialiste allait mettre en place une stratégie suite au score important du FN”. A Quimper, où il a entamé la seconde partie de sa campagne, François Hollande a dit vouloir tendre la main à ceux qui ont été emportés par “les vents mauvais du vote extrême”. Les deux candidats l’ont compris : ce sont les votes de l’extrême droite qui feront l’arbitrage du second tour, le 6 mai.

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