Sénégal : Abdoulaye Wade reconnait sa défaite, le pire a été évité

En reconnaissant sa défaite électorale, Abdoulaye Wade, le président sortant, a évité à son pays une grave crise politique. Elle s’annonçait sanglante.

En dépit de la Constitution et du ras-le-bol général, Abdoulaye Wade avait tout fait pour briguer un troisième mandat. Battu à la régulière par Macky Sall, son ancien protégé devenu rival, “le Vieux” a finalement su quitter le pouvoir dignement. Au soir du deuxième tour de l’élection présidentielle sénégalaise, le dimanche 25 mars, le président sortant n’a même pas attendu la publication des résultats officiels pour prendre acte de sa défaite, et passer un coup de fil de félicitations à son vainqueur, Macky Sall. Et c’est avec joie et soulagement que la majorité des Sénégalais a accueilli cette annonce. Car si Abdoulaye Wade s’était agrippé au pouvoir, la situation risquait fort de tourner à l’émeute, voire à l’insurrection, tant l’ancien président, au pouvoir depuis 12 ans, était devenu impopulaire. Mais une fois de plus, la transition politique se fera de manière pacifique, et la démocratie sénégalaise gardera son sceau d’exemplarité : chose rare en Afrique, depuis son indépendance en 1960, le pays n’a connu aucun coup d’Etat.

Espoirs déçus

Quand il remporte l’élection présidentielle, en 2000, Abdoulaye Wade met fin à 40 ans de pouvoir socialiste. Il incarne alors l’espoir du changement. Il abolit la peine de mort, et parvient à négocier un accord de paix avec les rebelles de Casamance, région du sud du pays, tentée par l’indépendance. En 2007, Abdoulaye Wade est réélu dès le premier tour, avec 55% des suffrages. Mais sa popularité s’étiole peu à peu : la pauvreté, le chômage et la corruption continuent de gangréner la société sénégalaise. Ce qui pousse des milliers de jeunes à émigrer, se lançant dans un périlleux voyage en pirogue sur l’océan Atlantique, à destination des îles Canaries.

Parallèlement, la tentation dynastique du président, qui aimerait imposer son fils Karim comme successeur, commence à agacer. Et aux élections locales de 2009, l’opposition remporte une éclatante victoire. Candidat à la mairie de Dakar, Karim Wade est battu à plate couture. Le président n’en a cure : il nomme son fils ministre. Le mécontentement social s’amplifie. En juin 2011, Wade tente un “coup d’Etat constitutionnel” : une révision de la loi électorale, qui porterait au pouvoir un “ticket présidentiel”, formé d’un président et d’un vice-président, qui pourrait être élu dès le premier tour avec un minimum de 25 % des voix seulement. L’opposition y voit une nouvelle tentative de transmettre le pouvoir à Karim. Les manifestations tournent à l’émeute, et Wade se voit contraint de renoncer à son projet.

Tension électorale

La tension remonte d’un cran en janvier 2012, quand le Conseil constitutionnel valide la candidature de Wade à sa propre succession. Pour l’opposition, cette candidature est illégale, le président ayant déjà accompli les deux mandats que la Constitution autorise. Au motif que cette règle n’a été créée qu’au cours de son premier mandat, Wade estime avoir le droit de se représenter. L’opposition multiplie les manifestations, réprimées avec violence. Au soir du premier tour, Wade arrive en tête, avec 34,81% des voix. Son premier challenger, Macky Sall, obtient 26,58% des suffrages. Ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, ce libéral était passé à l’opposition en 2008 quand, en tant que président de l’Assemblée nationale, il avait sommé Karim Wade de venir s’expliquer sur une affaire de détournement de fonds présumée.

Entre les deux tours, Macky Sall reçoit l’appui des 12 candidats qui s’étaient présentés au premier tour, réunis dans un genre de coalition “Tout sauf Wade”. C’est donc plus par volonté de chasser Wade du pouvoir, que par sympathie pour Macky Sall que les Sénégalais ont largement élu ce dernier. Et ce n’est que lors des élections législatives du mois de juin que les électeurs choisiront réellement le programme politique qu’ils désirent voir appliquer dans les prochaines années. Passées les péripéties électorales, entre le prix excessif des denrées alimentaires de base, la sécheresse dans le nord du pays et la crise des finances publiques, les enjeux ne manquent pas.

 

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