Enquête. Hammouchi, l’homme le plus secret du royaume

Il est l’un des hommes les mieux informés et les plus influents de l’appareil sécuritaire marocain. La DST, c’est lui. Mais qui est vraiment Abdellatif El Hammouchi ?

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Abdellatif Hammouchi, le chef de la DGST
Abdellatif Hammouchi, le chef de la DGSN et de la DGST. Crédit : DR

C’est devenu une habitude chez Mohammed VI : chaque fête du trône amène son lot de surprises et d’invités inattendus. En 2008, le monarque avait par exemple créé l’évènement en décorant de wissams alaouites… le président d’une chaîne de télévision israélienne, faisant grincer des dents du côté des conservateurs du royaume. La même année, le roi recevait, tout sourire, des dizaines d’artistes marocains qui, contrairement aux diplomates ou aux grands généraux de l’armée, ne se gênaient pas pour le serrer dans leurs bras, au grand dam des templiers du protocole royal.
En 2011, Mohammed VI a fait encore plus fort. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, il décorait deux hauts cadres de la DST lors d’une cérémonie officielle retransmise en direct à la télévision. Grosse surprise. La DST pouvait donc avoir un visage, et ses cadres sont des “serviteurs” comme les autres, loin de l’image des barbouzes adeptes des manières fortes et des interrogatoires musclés dans des caves sombres et humides. Leur travail peut même être publiquement salué par le souverain… Selon la dépêche officielle, la décoration d’El Hammouchi et du contrôleur général de la DST est intervenue pour rétribuer “leur contribution aux enquêtes menées suite à l’attentat contre la café Argana à Marrakech”. Une enquête rapide, plutôt efficace, puisqu’elle a permis l’arrestation du principal auteur de l’attentat et de ses complices en moins de trois semaines. C’est surtout – et ce n’est pas anodin – une enquête relativement propre puisque aucune atteinte majeure aux droits humains n’a été enregistrée.
Se pose alors une question : la DST aurait-elle changé ? Le service de tous les secrets aurait-il (enfin) décidé d’abandonner ses vieilles méthodes et de se conformer aux règles du fonctionnement démocratique ? “Au niveau de l’image, la DST d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle des années 1970 ou même du début des années 2000, affirme un militant associatif. Quant aux méthodes de fonctionnement, même si nous pouvons relever quelques avancées réelles, le chemin est encore long pour aboutir à un service de renseignement normal, comme il en existe partout dans le monde”. Si un tel chantier existe en tout cas, il reviendrait à Abdellatif El Hammouchi de le conduire. Au sein de la DST, l’homme a eu un parcours exemplaire, passant de simple fonctionnaire fraîchement diplômé en 1993 à directeur général de l’un des services de renseignement les plus stratégiques du pays.

De Fès à Témara


Une ascension que le jeune Abdellatif El Hammouchi était loin d’imaginer, en intégrant les rangs de la police en 1993. A tout juste 27 ans, il décroche son premier poste dans l’administration publique avec, comme perspective, une carrière tranquille et une vie à l’ombre dans un Maroc pas encore sorti de ses années noires. “C’est un homme qui ne fait pas de vagues, dit de lui un cadre au ministère de l’Intérieur. Un travailleur acharné, connu pour son esprit d’analyse et de synthèse”. Discret et sans histoire, El Hammouchi l’est également à l’Université Dhar Lmehraz où il décroche son diplôme en droit au début des années 1990. A l’époque, le campus fassi, hyperpolitisé, est un bastion des étudiants basistes. Les confrontations, parfois violentes, entre gauchistes et islamistes sont d’ailleurs assez fréquentes. Mais le jeune homme reste à l’écart de ces “querelles idéologiques”. Il rase les murs et ne laisse, chez ses professeurs, qu’un vague souvenir de son passage à l’université.
Au sein de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), Abdellatif El Hammouchi est directement affecté à la Direction de la surveillance du territoire (DST). Cette dernière est alors rattachée à Driss Basri, puissant ministre de l’Intérieur sous Hassan II. A cette époque, le Maroc traverse une période critique. Le pays vit un semblant “d’ouverture démocratique”, avec la libération de certains prisonniers politiques, dont les bagnards de Tazmamart. Hassan II tend la main aux partis de l’opposition et les invite à rejoindre le gouvernement, mais l’expérience capote à cause du maintien de Driss Basri. “Le ministère de l’Intérieur contrôlait alors le pays d’une main de fer. Pour Basri, l’information était le nerf de la guerre. A ses yeux, les rapports confidentiels valaient autant que les ragots qui se racontaient à propos de tel homme politique ou tel acteur associatif. C’est ce qui explique la place centrale qu’occupait la DST dans l’organigramme des services de renseignement marocains”, confie un ancien collaborateur du ministre de Hassan II. Un an à peine après son entrée en fonction, l’officier Abdellatif El Hammouchi assiste à son premier grand évènement : l’attentat d’Atlas Asni en 1994. Des hommes armés ouvrent le feu sur des touristes à l’entrée d’un grand hôtel à Marrakech, faisant deux morts. Le pays est sous le choc. L’Algérie voisine est notamment pointée du doigt. Abdellatif El Hammouchi assiste, de loin, au déroulement de l’enquête. Mais il se passionne déjà pour l’islamisme politique et pour l’activisme des groupes jihadistes.

Le poulain de Laânigri


En septembre 1999, la DST change brusquement de mains. Mohammed VI y nomme le général Hamidou Laânigri, avec comme principale consigne de veiller à l’indépendance du service de renseignement, moderniser ses outils de travail et rajeunir ses effectifs. Une aubaine pour Abdellatif El Hammouchi. A 33 ans, il a l’âge de cette fameuse “génération M6” et justifie désormais de six ans d’expérience au sein de la DST. Dès ses premières semaines à la tête du service de sécurité intérieure, Laânigri chamboule l’organisation de ce dernier. Il veut donner leur chance aux jeunes cadres de “la boîte”. El Hammouchi en fait naturellement partie. Les deux hommes partagent la même passion pour un sujet qui préoccupe tous les services de renseignement de la planète en ce début des années 2000 : la menace islamiste. “El Hammouchi se serait fait remarquer grâce à un rapport commandé par Mohammed VI en personne au lendemain de la manifestation islamiste contre le plan d’intégration de la femme dans le développement, organisée le 12 mars 2000 à Casablanca”, rapporte cette source sécuritaire.
Après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, la DST renforce ses liens avec les services secrets occidentaux. Ses cadres effectuent plusieurs voyages aux Etats-Unis et en Europe pour interroger des sujets de Sa Majesté. Au Maroc, c’est le temps des rafles massives, des détentions arbitraires et des tortures. Quel rôle a joué Abdellatif El Hammouchi à cette époque ? Difficile de le savoir. “Ce n’est pas un homme de terrain. Il est plus à l’aise en back-office, affirme l’une de nos sources. C’est un homme qui aime compiler ses informations, les recouper et constituer des dossiers solides”, conclut-il, comme pour blanchir l’actuel patron de la DST. Au lendemain des attentats de Casablanca en 2003, l’homme participe activement à l’enquête. Très vite, les réseaux terroristes, à l’architecture pourtant compliquée, n’ont plus de secret pour lui. Il devient le bras droit du puissant général Laânigri et assiste même à ses rares rencontres avec la presse. “Il pouvait citer, de mémoire, les noms des membres d’une cellule terroriste, retracer leurs parcours ou établir leurs relations avec les groupes combattants algériens ou libyens. Bref, ça se voyait qu’il était incollable en matière de réseaux et de littérature salafiste et jihadiste”, raconte un journaliste qui a eu accès au duo Laânigri-El Hammouchi à cette époque.
Deux mois à peine après les attentats du 16 mai, la DST change une nouvelle fois de patron. Contre toute attente, Laânigri (nommé à la tête de la DGSN) n’appuie pas son jeune poulain auprès du roi. Il lui préfèrera “un ancien”, Ahmed Harari, patron de l’antenne casablancaise de la DST. El Hammouchi serait-il tombé en disgrâce ? “Pas du tout, il était peut-être trop jeune pour le poste, analyse cette source au sein de la DGSN. Il est resté en charge du service anti-terroriste et gardait un lien permanent avec Laânigri, ainsi qu’avec d’autres responsables sécuritaires au Maroc et à l’étranger où il était courtisé par pas mal de services de renseignement”. En ce début des années 2000, le Maroc vit donc des moments difficiles. Le royaume est régulièrement pointé du doigt dans les rapports des organisations internationales de défense des droits de l’homme. Le centre de Témara (siège administratif de la DST) y est présenté comme un centre de détention secret où se pratiquent les pires tortures. En janvier 2005, Mohammed VI est même obligé de reconnaître, dans une interview accordée au quotidien espagnol El Pais, “qu’après ce qui s’est passé (attentats de 2003, ndlr), l’évaluation a été un peu exagérée (…). Il n’y a pas de doute qu’il y a eu des abus”. Un mois plus tard, le monarque entame une réorganisation sécuritaire en nommant l’un de ses plus proches collaborateurs, Mohamed Yassine Mansouri, à la tête du service de renseignement extérieur (DGED). Ce dernier entend coordonner l’action des services de renseignement marocains et harmoniser leurs méthodes de fonctionnement. Sans le dire ouvertement, le pays veut tourner la page du passé et effacer le triste souvenir de “la prison noire de Témara”. En décembre 2005, c’est donc un homme au nom et au visage inconnus du grand public que le roi reçoit au palais royal de Rabat pour le nommer à la tête de la DST, rebaptisée entretemps DGST.

La méthode El Hammouchi


A tout juste 39 ans, Abdellatif El Hammouchi devient le plus jeune directeur de la DST depuis l’indépendance du pays. Une belle revanche pour ce fils du peuple, qui n’a pas eu besoin de fréquenter les bancs du collège royal pour se voir confier la responsabilité d’un service de sécurité à la fois stratégique et décrié. Au niveau de l’image, c’est surtout un homme au “casier vierge” qui remplace de vieux officiers au passé sulfureux. Mais la menace terroriste n’a pas disparu pour autant. Preuve en est le coup de filet mené en 2006 contre la cellule d’Ansar Al Mahdi. Une quarantaine de jihadistes qui s’activaient entre Casablanca, Youssoufia, Tétouan et Salé, et qui projetaient de mener des actions armées dans plusieurs villes marocaines. “A partir de cette période, nous avons relevé un léger changement dans les méthodes de travail. Les détentions arbitraires étaient toujours de mise, les interrogatoires musclés également, mais il n’y avait plus de rafles massives. On assistait plutôt à des interpellations ciblées, basées sur des informations recueillies par les enquêteurs de la DST et des autres services de renseignement”, note cette source associative, proche des milieux islamistes radicaux.
En 2007, Casablanca enregistre trois attentats terroristes en moins de deux mois. Le Maroc tremble à nouveau. On redoute de nouvelles rafles, de nouvelles séries de procès expéditifs. Il n’en sera rien. “C’est un épisode qui a créé une vraie crispation chez les responsables sécuritaires marocains. C’est d’ailleurs à ce moment que les détenus salafistes ont été exclus de la grâce royale”, rappelle notre militant associatif. Abdellatif El Hammouchi résiste tant bien que mal à la tempête et parvient à sauver sa tête. Il se donne un nouveau défi : pacifier les prisons et ouvrir des canaux de dialogue avec les détenus salafistes. Le patron de la DST et ses hommes rendent, selon plusieurs sources, régulièrement visite à certains idéologues du mouvement. En 2009, El Hammouchi aurait même personnellement rencontré Cheikh Mohamed Fizazi à la prison de Tanger. Le contenu de la discussion entre les deux hommes est resté secret mais Fizazi a fini par avouer, en août dernier, que le premier sécuritaire du pays a joué “un grand rôle” dans sa libération et qu’il lui en est “redevable”.

Voilà le Printemps…


Fin 2010, la région maghrébine s’embrase avec la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, puis du raïs égyptien Hosni Moubarak. Le Maroc est à son tour rattrapé par la déferlante contestataire du Printemps arabe. Sur le bureau de Abdellatif El Hammouchi, un nouveau dossier estampillé “Mouvement du 20 février” vient s’ajouter à une pile déjà impressionnante. La DST s’inquiète du retour en force d’Al Adl Wal Ihsane et d’éléments de l’extrême gauche. Les marches du dimanche sont suivies de près et les slogans brandis par les manifestants soigneusement analysés. En face, les manifestants pointent la DST du doigt. Ils ressortent les dossiers noirs de Témara, de la détention arbitraire et de la torture. Etrangement, leurs slogans épargnent Abdellatif El Hammouchi, toujours inconnu du grand public. Pour contenir la pression de la rue, Mohammed VI annonce une grande réforme constitutionnelle et confie la présidence du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) au duo Driss El Yazami et Mohamed Sebbar. En avril, 190 détenus politiques bénéficient d’une grâce royale exceptionnelle. Parmi eux, les cinq hommes politiques de l’affaire Belliraj et plusieurs détenus salafistes dont l’idéologue Mohamed Fizazi. “C’est une grâce qui porte l’emprunte de Abdellatif El Hammouchi. L’affaire Belliraj ne fait clairement pas honneur à la DST. Des hommes ont été arrêtés puis condamnés sans preuves réelles. La grâce royale était la meilleure sortie honorable. Quand aux salafistes, leurs dossiers ont été soigneusement étudiés par les services de la DST et de la DGED qui ont établi les listes finales des bénéficiaires”, commente une source proche du CNDH.
Mais la rue réclame plus. Les jeunes du Mouvement du 20 février annoncent une marche vers le centre secret de Témara. La confrontation est inévitable. Le sit-in du M20 devant le siège de la DST est alors brutalement dispersé par les forces de l’ordre mais, deux jours plus tard, le centre de tous les secrets ouvrait ses portes (une première) à plusieurs délégations de magistrats, de parlementaires et de responsables d’organes officiels comme le CNDH. Une opération de communication savamment orchestrée, avec pour principal message : le centre de Témara ne contient aucune prison secrète. Vrai ou faux ? Et que faire des centaines de témoignages de détenus affirmant avoir été torturés à Témara dans ce cas ? L’avocat et SG du CNDH, Mohamed Sebbar, botte en touche. Il affirme néanmoins “défier quiconque qui citerait un seul cas de torture avérée depuis l’installation du CNDH en avril 2011”. Comprenez : des abus et des cas de torture ont existé auparavant, mais cela est bel et bien terminé aujourd’hui. Ce 18 mai 2011 en tout cas, Abdellatif El Hammouchi a tenu à accueillir en personne les différentes délégations venues “inspecter” sa forteresse. Mieux, il leur aurait confié que, durant ces derniers mois, “la DST a déjoué des plans visant la liquidation de personnalités politiques, dont des responsables importants de la sécurité” et contribué à résoudre plusieurs affaires de drogue, d’émigration clandestine, de blanchiment d’argent et de terrorisme.
Puis survient l’attentat du café Argana à Marrakech. Tout s’embrouille. Printemps arabe, manifestations publiques, jihadisme, théorie du complot… le pays tout entier retient son souffle. L’enquête, pilotée par la DST et associant des sécuritaires français, est bouclée en quelques jours. Elle aboutit à l’arrestation du principal auteur présumé de l’attentat et de ses complices. “Plusieurs suspects ont été arrêtés, interrogés puis relâchés. C’est une première dans une enquête concernant le terrorisme au Maroc”, relève un militant associatif. Tout cela suffit-il pour “normaliser” l’image du principal service de sécurité du royaume ? Certainement pas. Car beaucoup reste à faire. Et la DST est toujours accusée d’échapper à tout contrôle (en dehors de celui du chef de l’Etat)…
En tous cas, un projet de loi déposé au parlement prévoit de doter les officiers de cette direction des prérogatives de police judiciaire. Cela leur permettrait d’arrêter des suspects, de les interroger et de rédiger des PV en toute légalité et sous la supervision du Parquet. Une question que devront trancher les parlementaires élus le 25 novembre prochain…

 

Les casse-tête d’el HammouchiM20. Le mouvement qui (le) dérange
Dès le départ, la DST a pris au sérieux le Mouvement du 20 février, et ce avant même la première marche organisée par les jeunes protestataires. Fiches des principaux leaders, trajectoires des marches, slogans… rien n’échappe aux yeux de Abdellatif El Hammouchi dans les quatre coins du pays. Certains agents n’hésitent pas à défiler aux côtés des marcheurs, à les prendre en photo ou à enregistrer certains des slogans brandis. “En général, ce sont les militants d’Al Adl Wal Ihsane qui démasquent ces personnes”, confie ce leader de la section casablancaise du M20. Aujourd’hui, c’est surtout la radicalisation du mouvement qui inquiète les sécuritaires marocains. A Tanger, des manifestants ont clairement appelé à “la chute du régime” et ont directement attaqué le roi. Que pèsent-ils ? Constituent-ils une réelle menace pour la stabilité et la sécurité de l’Etat ? C’est généralement aux agents de la DST et des RG de répondre à ce genre de questions.Jihadisme. Une traque permanente
Malgré la libération récente de quelques détenus salafistes et la régression du risque terroriste dans la région, les services de sécurité ne baissent pas la garde. Les éléments de la DST continuent en effet de traquer les cellules en cours de constitution ou les éléments susceptibles de passer à l’acte en perpétrant des actions terroristes. La DST reste également en constante liaison avec ses partenaires partout dans le monde pour débusquer les éléments les plus dangereux dans la région maghrébine et du Sahel, où Abdellatif El Hammouchi disposerait “d’excellents relais”. Il y a quelques semaines, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al Qaïda a nommément cité Mohammed VI dans l’un de ses récents messages audio. Une première qui agace les responsables sécuritaires, également préoccupés par la question des salafistes emprisonnés dans les différents centres pénitentiaires. Faut-il les gracier, dialoguer avec eux ou les maintenir en détention ? Difficile de trancher.Bras-de-fer. DST vs Jamaâ
Une guerre secrète oppose la DST et la Jamaâ d’Al Adl Wal Ihsane depuis plusieurs années. Il y a quelques semaines, la confrérie est même allée jusqu’à accuser les éléments de la DST de diffuser des vidéos montrant des disciples de Cheikh Yassine en flagrant délit d’adultère. “La DST fait tout pour nous intimider et salir la réputation de nos militants. Ecoutes téléphoniques, infiltration, filatures… on s’y est habitués à la longue”, confie un dirigeant de la Jamaâ. De temps à autre, de grandes affaires éclatent, comme celle d’un leader d’Al Adl Wal Ihsane qui, en effectuant des travaux chez lui à Oujda, a découvert des micros cachés dans les murs de sa maison. Depuis le déclenchement du Mouvement du 20 février, cette guerre secrète a repris de plus belle à cause de l’implication grandissante de la Jamaâ dans l’organisation et l’encadrement des marches de protestation.[/encadre]
 

Gouvernance. Un appareil hors contrôle
à ce jour, la DST échappe au contrôle du parlement, du gouvernement et du pouvoir judiciaire. “C’est une situation qui ne peut plus durer. Il est temps que les compétences et l’organisation de cet appareil soient clairement déterminées par un texte de loi clair”, affirme Habib Belkouch, président du Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD), qui a beaucoup travaillé sur la question de la gouvernance sécuritaire. Le militant associatif parie sur un amendement de la procédure pénale, accordant aux enquêteurs de la DST la qualité d’officier de police judiciaire, pour que la direction agisse sous la supervision du Parquet. Quid du contrôle parlementaire dans ce cas ? “Ce n’est pas demain qu’on verra le patron de la DST répondre à une convocation du parlement. Et même s’il le faisait, je ne connais pas beaucoup d’élus qui maîtrisent les questions sécuritaires ou qui auraient le courage de gêner l’un des hommes les mieux informés et les plus puissants du pays”, affirme un parlementaire. En vertu de la nouvelle Constitution, Abdellatif El Hammouchi devra siéger au sein du Conseil supérieur de la sécurité, présidé par le roi. Il devra y côtoyer “des responsables civils” comme le chef du gouvernement, les présidents des deux chambres du parlement en plus de quelques ministres en charge de départements sécuritaires. Un dialogue serait-il possible entre eux ? Wait and see.[/encadre]
 

Organisation. Organigramme introuvable
On a assez souvent surestimé les effectifs de la DST dont le personnel ne dépasserait pas, selon nos sources, 7000 personnes. Une petite armée qui ne dispose même pas d’organigramme officiel. Les textes de loi relatifs à la DST, et qui datent de 1973, donnent les pleins pouvoirs à son patron pour gérer ses hommes comme bon lui semble. La direction est actuellement installée dans le fameux centre (ultra- protégé) de Témara. Dans son action au quotidien, la DST est organisée en services ou sections. Citons à titre d’exemple la section antiterroriste, celle dédiée au contre-espionnage, au blanchiment d’argent ou à la lutte contre le trafic de drogue. Au niveau régional, on retrouve des directions (ou délégations) installées au sein des préfectures de police et chapeautées par un contrôleur général ou par un commissaire principal. Ces gradés gèrent, à leur tour, des équipes d’officiers qui peuvent élire domicile dans les commissariats et arrondissements de chaque région.[/encadre]
 

Coopération internationale. Ce que révèle Wikileaks
Dans un câble diplomatique américain révélé par Wikileaks, et daté du 10 juillet 2007, une conseillère de l’ancien président américain à la sécurité intérieure ne tarit pas d’éloges à l’égard du Maroc, et de la DST, au sujet de sa coopération dans la lutte antiterroriste. “La DST jouit aujourd’hui d’une grande influence dans la région grâce à sa prédisposition à collaborer avec les services américains, français, espagnols ou saoudiens pour traquer les éléments subversifs qui s’activent dans la région du Maghreb et du Sahel”, relève un membre de la commission de l’Intérieur au sein du parlement. Et la coopération régionale dans tout cela ? Les Etats du Maghreb réussissent-ils à mettre leurs querelles de voisinage de côté au profit d’une coopération sécuritaire efficace ? Là encore, c’est un câble diplomatique américain qui nous apporte la réponse. “Les choses se passent bien avec la Tunisie et la Libye, confie El Hammouchi à ses interlocuteurs américains. Mais la coopération avec l’Algérie est fluctuante”, peut-on notamment lire dans un télégramme de l’ambassade américaine à Rabat.[/encadre]
 

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