Reportage. Bienvenue chez les lions de l’Atlas

Par Hicham Oulmouddane

Des années après la fermeture du zoo de Témara, Rabat inaugure son nouveau parc zoologique. Au menu, des lions et des animaux en liberté. Suivez le guide.

Il est 10 h du matin quand le nouveau zoo, situé à proximité du complexe sportif Prince Moulay Abdellah à Rabat, ouvre ses portes pour la première fois au public. Des dizaines de parents accompagnent leurs enfants, très excités à l’idée de voir des animaux en vrai. “Il faut être patient si tu veux voir Simba, Timon et Pumba”, lance Yassine, jeune parent de 26 ans, à son bambin de 6 ans, grand fan du fameux dessin animé Le Roi Lion. Passé le composteur automatique des billets, nous avons l’impression d’ouvrir le livre de la jungle. Fini les cages rouillées où les animaux sont entassés dans des espaces confinés. Il suffit de scruter l’horizon pour voir des zèbres et des antilopes qui galopent en toute liberté. “C’est un concept nouveau que de faire cohabiter des animaux pour qu’ils soient le plus proches possible de leur milieu naturel”, souligne Abderrahim Salhi, directeur technique et vétérinaire en chef du parc. L’illusion d’optique est tellement bien réussie qu’on se prend facilement au jeu. Avec une capacité de 4000 visiteurs par jour, le parc a déjà fait le plein quelques heures après son ouverture. Le succès est total.

Les échos de la savane
Après le délabrement des zoos de Casablanca et Témara, Rabat vient de se doter d’un parc zoologique national digne de ce nom. Bâti sur une superficie de 50 hectares dont 27 déjà exploités, le concept new look du parc zoologique propose aux visiteurs une immersion dans le milieu naturel de la vie animale. L’idée de ce projet remonte à 2007, quand Mohammed VI, alors en visite à Singapour, succombe au charme du zoo de la cité-Etat. De retour au Maroc, il donne ses instructions pour construire une réplique similaire en faisant appel au cabinet singapourien Bernard Harrison pour dessiner le concept général. Financé grâce à la cession des terrains de l’ancien zoo de Témara au groupe immobilier Addoha, ce projet pharaonique a coûté la somme de 460 millions de dirhams.
Grâce à son architecture novatrice, le zoo est constitué d’un circuit qui mène le visiteur à travers cinq écosystèmes : les montagnes de l’Atlas, la région du désert, la savane africaine, la zone tropicale et la zone marécageuse. Pour pousser le réalisme à son paroxysme, les paysagistes marocains ont doté chaque zone de la flore qui lui correspond. On s’y croirait presque. Pas moins de 120 espèces animales ont été logées dans cette réplique de la nature. Pour s’occuper de tout ce petit monde, 80 personnes sont aux petits soins et le zoo dispose d’un centre vétérinaire dernier cri, où l’animal suit tout un circuit depuis le diagnostic jusqu’aux interventions chirurgicales, sans oublier une zone de quarantaine pour les animaux importés ou souffrants. “L’équipement moderne du centre vétérinaire permet de soigner les animaux sur place ou à l’intérieur du parc”, souligne Abderrahim Salhi. Pour assurer le côté récréatif, le zoo dispose de cinq kiosques et six restaurants, dont un avec vue sur une colonie de lions.

Akuna Matata
Le parc propose aux visiteurs la faune sauvage marocaine, africaine et subsaharienne. “Depuis quelques années, la tendance mondiale est à la spécialisation. Chaque zoo propose aux visiteurs des écosystèmes proche de la géographie du continent”, commente Abderrahim Salhi. Mais la star du zoo est incontestablement le lion de l’Atlas, dont il ne restait que 25 têtes, avant qu’une lionne ne donne naissance à trois lionceaux, le 11 décembre 2011, portant à 28 le nombre de lions abrités par le Jardin zoologique national de Rabat. Un signe de bon augure. En plus des animaux rapatriés de l’ancien zoo de Témara, la collection du parc a été renforcée par de nouvelles espèces comme les girafes et les rhinocéros provenant d’Afrique du Sud. Mais, pour se procurer ces espèces, il faut mettre la main à la poche. “Les trois rhinocéros ont coûté près de 10 millions de dirhams. Ce sont des animaux protégés. Pour leur transport, nous avons fait appel à un armateur russe spécialisé dans ce genre d’opérations”, souligne Salma Slimani, directrice de stratégie au sein de l’administration du zoo.
L’importation de ces animaux hors normes est très complexe au niveau juridique et pratique. Ainsi, un éléphant peut coûter jusqu’à 500 000 dirhams s’il naît en captivité et est suffisamment domestiqué pour prendre ses marques dans un zoo. L’exposition des animaux volants a bénéficié aussi du nec plus ultra de la technologie. Des volières géantes ont été installées pour permettre à plusieurs espèces d’oiseaux de voler en toute liberté. “Les filets de ces volières sont constitués d’un métal tressé à la main pour éviter toute blessure de ces animaux et faciliter leur observation”, explique Salma Slimani. Et, cerise sur le gâteau, les visiteurs peuvent admirer les oiseaux d’ornement comme les paons ou les perroquets, grâce à une balade à l’intérieur de l’une des volières.

Tout écolo !
Si vous observez un guépard à cinq mètres de vous, pas de panique ! Tout a été réfléchi pour votre sécurité. En effet, aucune clôture ne sépare le visiteur des animaux pour donner l’impression de voir la bête dans son habitat naturel. Pour garantir la sécurité des visiteurs, les concepteurs ont prévu un fossé et des fils électrifiés non visibles à l’œil nu. “Les dimensions des fossés sont étudiées en fonction de l’espèce animale et sa capacité à sauter”, explique Abderrahim Salhi. Plus astucieux, l’architecture du parc a prévu des bassins d’eau pour éviter que certains animaux hydrophobes ne traversent les clôtures.
Cependant, ce système a montré sa vulnérabilité avec des espèces comme les singes qui ont été rapatriés de l’ancien zoo de Témara. “Les singes sont trop nerveux. Ils ont nagé et traversé les clôtures. Nous avons préféré les garder dans leur abri une petite semaine pour éviter tout accident”, souligne Salma Slimani. Pour jouer la carte de l’écologie, le zoo utilise des carpes chinoises. Ce poisson sert de nettoyeur en dévorant les bactéries qui risquent de pulluler dans les lacs du zoo où évoluent des espèces comme les alligators ou les hippopotames. Pour contrôler la nourriture des animaux, le zoo est sur le point d’installer des distributeurs automatiques d’aliments pour espèces comme les oiseaux ou les singes pour éviter tout incident. Pour rappel, il y a quelques années, une girafe a succombé au zoo de Témara après avoir avalé un stylo. En attendant, les visiteurs peuvent déjà voir le lion de l’Atlas engloutir ses cinq kilos de viande quotidiens. Bon appétit !

 

Zoom. Le meilleur est à venir
Pour démocratiser l’accès au parc zoologique tout en assurant sa viabilité financière, une gamme tarifaire assez diverse est appliquée. Ainsi, pour les enfants de moins de trois ans, l’entrée est gratuite. Ceux ayant moins de 12 ans ne paient que 30 DH. Concernant un couple avec deux enfants, le tarif est de 120 DH. “Le programme inclut des conventions avec les écoles et les entreprises privées et publiques. Pour un groupe de 20 personnes, il faudra payer seulement 20 DH”, souligne Salma Slimani. Le zoo prévoit également des spectacles d’animation comme les repas des animaux qui se feront devant les visiteurs par des dresseurs du zoo. Par ailleurs, une ferme pédagogique est prévue pour les enfants pendant les vacances scolaires avec, au menu, la découverte des aspects de la ruralité où ils apprendront comment traire le lait ou fabriquer la laine. Enfin, d’ici 2014, la surface du parc connaîtra une extension de 20 hectares où les visiteurs pourront effectuer des safaris de nuit et observer les espèces à activité nocturne, comme les lions, les fennecs ou les phacochères.