Enquête. Champions du business

Par Basma El Hijri

Après de longues années au service du sport national, plusieurs athlètes de haut niveau se sont convertis en businessmen. Domaines de prédilection : immobilier et restauration.

Loin des grands investissements aux rentrées d’argent à la pelle, certains de nos anciens sportifs de haut niveau se sont recyclés dans les affaires. En poche, une manne financière conséquente amassée à l’aide des salaires, les honoraires en tant que consultants, des primes de transferts, des contrats publicitaires et bien d’autres revenus. Entre l’immobilier, le management sportif, la restauration, le tourisme et l’habillement, ces nouveaux businessmen investissent tous azimuts. “L’immobilier est le domaine le plus prisé car il ne comporte pas beaucoup de risques. Il n’y a pas besoin d’être expert avant de se lancer dans l’achat et la vente de biens immobiliers”, commente Salaheddine Bassir, ancien Lion de l’Atlas. Les sportifs se tournent aussi vers un domaine fructueux, le secteur de la restauration. Les plus nostalgiques, eux, choisissent d’investir dans leur domaine de prédilection, le sport, en lançant des complexes sportifs, des salles de fitness, ou des marques d’équipements sportifs.

La pierre, une valeur sûre
L’achat de biens immobiliers pour la revente immédiate peut faire gagner jusqu’à 100% de l’investissement en une année, le locatif rapporte gros et l’acquisition des terrains nus se négocie à des prix généralement abordables. Autant de raisons qui encouragent les nouveaux hommes d’affaires, comme l’ancien footballeur Youssef Chippo, à se lancer dans l’immobilier. En 1997, Chippo achète un terrain nu à Kénitra pour une enveloppe de près de deux millions de dirhams. Il y construit un immeuble avec appartements de moyen standing et plateaux de bureaux. Et il n’est pas le seul. Comme sur la pelouse, l’ancien gardien de but de l’équipe nationale, Baddou Zaki, a réalisé de belles parades en saisissant de bonnes occasions par l’achat de terrains nus, la construction puis la revente de ces biens. D’autres sportifs ont choisi d’investir à l’étranger. A l’image de l’ancienne vedette du Raja et de Saint-Etienne, Mustapha El Haddaoui, qui a investi en France durant les années 90 pendant son passage à l’OGC Nice. Mus la Furla, comme aimaient l’appeler les supporters, a acquis des appartements qu’il commence à louer. “Grâce à mon salaire et aux primes, j’ai acheté quelques appartements sur la Côte d’Azur. Il y avait beaucoup de facilités de paiement à l’époque. J’ai pu rembourser les traites des crédits que j’ai contractés en louant les appartements. Aujourd’hui, les affaires vont très bien”, atteste El Haddaoui. L’ancien capitaine des Lions de l’Atlas, Noureddine Naybet, a choisi, quant à lui, d’investir en Espagne.

Sport, mon amour
Certaines de nos icônes du sport se sont tournées vers leur premier amour, le sport. Le dernier en date, Saïd Aouita, vient de lancer en juillet sa propre marque de vêtements et d’équipements de sport, “Aouita Sport”. L’ex-champion olympique souhaite concurrencer les grandes marques et les principaux équipementiers des tournois de football.
A défaut de lancer leurs propres marques, d’autres champions se contentent d’acheter les droits d’exploitation de certaines franchises. C’est le cas de Hicham El Guerrouj, devenu le distributeur exclusif de la marque Nike au Maroc. Grâce à son réseau professionnel, Mustapha El Haddaoui a lui aussi réussi à obtenir, en 1997, les droits d’exploitation de la marque d’articles de sport “Champion”. “Mais bon, les affaires ne marchent pas forcément comme prévu. Beaucoup de consommateurs préfèrent acheter de la contrefaçon à moindre coût”, se plaint El Haddaoui.
Pour sa part, Abdelkrim Merry, surnommé Krimau, ancien buteur des Lions de l’Atlas, s’apprête à lancer une école… de football à Casablanca. “Le projet est dédié aux enfants de 6 à 13 ans, avec pour objectif de les intégrer, ensuite, dans un centre de formation qui les prépare à une carrière professionnelle”, souligne Jamal Najdi, porte-parole de Krimau.

Le Marocain, ce consommateur
Certains se sont reconvertis dans le commerce, à l’image de Baddou Zaki qui possède l’un des cafés les plus chics du boulevard Anfa, à Casablanca. Idem pour Salaheddine Bassir, toujours à Casablanca. “Les Marocains adorent les terrasses de cafés, pourquoi ne pas en profiter ? C’est un secteur rentable mais, pour espérer durer, il faut attirer ses clients et savoir les garder”, précise l’ancien attaquant des Lions de l’Atlas. A Marrakech aussi, Tahar El Khalej, ancien milieu défensif international, gère l’un des meilleurs complexes touristiques (café, restaurant, glacier, pâtisserie, etc.) de la ville.
Si certains investisseurs en herbe ont choisi d’investir dans la restauration, d’autres se sont tournés vers l’agriculture. C’est le cas de Aziz Bouderbala qui se proclame “un vrai amoureux de la terre”. L’ancien joueur du Wydad et de Sion, qui figure parmi les meilleurs attaquants du Mondial 1986, est propriétaire d’un vaste domaine à Chichaoua. “C’est une passion pour moi. J’aime la terre et j’aime cultiver l’olivier et, pour l’instant, je ne le fais pas dans un but lucratif”, commente Bouderbala. Hicham El Guerrouj s’est lui aussi lancé dans l’agriculture à Berkane, sa ville d’origine. Réputée pour ses terres fertiles, la région attire beaucoup d’entrepreneurs. Le double champion olympique y possède deux fermes, avec des unités de production qui s’étendent sur plusieurs dizaines d’hectares.

Image. Look at me, I’m a star
Les champions de haut niveau ont développé une image de marque qui attire la convoitise des médias et des entreprises. L’ex-champion olympique Saïd Aouita en est le pionnier. En 1983, il signe un contrat publicitaire avec Sim Orange aujourd’hui disparue et Centrale Laitière en 1984. Après lui, Krimau a signé, lors de la Coupe d’Afrique en 1988, un contrat publicitaire avec l’entreprise Kodak. Les opérateurs téléphoniques misent aussi sur le sponsoring d’images. Méditel a fait appel à Hicham El Guerrouj, Younès El Aynaoui, Karim Alami, Marouane Chamakh, Youssef Kharja et Abdesslam Ouaddou, et Maroc Telecom a eu recours aux services de Nezha Bidouane en 2008. La télévision n’est pas en reste. Krimau, encore lui, a animé une émission sportive pendant 2 ans sur 2M. Son coéquipier Aziz Bouderbala a été membre du jury de l’émission Al Kadam Addahabi en 2005. Plus tard, il a participé au feuilleton télévisé, diffusé sur Al Aoula, Al Farik, et s’apprête à présenter une nouvelle émission sportive en cours de tournage.