“Militante, pas chiante”

Smyet bak ?
Abdelaziz Ben Mohamed.

Smyet mok ?
Fatiha Bent Abdelhadi

Nimirou d’la carte ?
BK 36 25 03

Vous vous êtes déjà fait contrôler par la police ?
Après les premières marches du 20 février. J’étais en taxi avec un ami quand les policiers nous ont arrêtés. J’ai eu droit à 3 heures d’interrogatoire au commissariat, pour savoir quel lien j’avais avec le garçon qui m’accompagnait.

C’est la rançon de la gloire non ?
Je ne sais pas, peut-être (rires)

Le 20 février a-t-il été votre quart d’heure de gloire ?
Etre médiatisée, c’est aussi subir des attaques et une guerre psychologique.

Cela fait quoi d’être taxée de traître à la nation par certains sur les réseaux sociaux ?
Ce n’était pas le plus dur à vivre. Le plus difficile, c’était les attaques sur la vie privée, comme les commentaires disant que je suis homosexuelle ou afficher partout ma photo une cigarette à la main. On m’a aussi accusée de m’enrichir en touchant de l’argent de Karim Tazi.

Vous êtes étudiante à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA) avec pour option la finance. Etrange pour une militante antilibéralisme ?
J’ai découvert les méfaits du libéralisme justement lors de mes études. Si l’on veut lutter contre le libéralisme, il vaut mieux bien connaître son ennemi.

En googlisant votre nom, on a pourtant trouvé une Ghizlane Benomar directrice au Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM). La Bourse, en bref. Vous bossez en cachette pour le grand capital  ?
Non, non c’est une autre (sourire). Elle est aussi diplômée de l’INSEA et elle est venue donner une conférence dans notre école. Cela m’a fait bizarre lorsque nous nous sommes présentées.

Vous avez gonflé les chiffres des manifestants à chaque marche du 20 février. Vous êtes une statisticienne fâchée avec les chiffres ?
C’est de bonne guerre. Les autorités quant à elles les minimisaient énormément. Gonfler les chiffres était le seul moyen d’avoir une moyenne proche de la réalité.

Vous preniez très mal le fait que l’on souligne la présence importante d’Al Adl Wal Ihsane dans les marches. Après le retrait des adeptes de Cheikh Yassine du M20, vous avez pourtant déclaré dans la presse que les manifestations “fourmillaient d’adeptes de la Jamaâ”…
Non, je n’ai jamais utilisé le verbe “fourmiller”.

Et les médias vous font souvent dire ce que vous n’avez pas dit ?
Oui, cela a souvent été le cas dans les médias publics. J’ai l’exemple, entre autres, de ma déclaration à 2M après la marche du 20 mars. On a coupé ma réponse pour me faire dire qu’Al Adl Wal Ihsane avait récupéré le M20.

Vous avez tout de même été invitée à vous exprimer dans des débats sur les chaînes publiques.
L’Etat ne pouvait plus ignorer le M20 et il fallait de surcroît donner des signes d’ouverture démocratiques à l’opinion internationale pour vendre la fameuse “exception marocaine”. L’Etat a dû se dire que nous n’étions qu’un mouvement de protestation éphémère et qu’il n’y avait rien à craindre à nous laisser nous exprimer.

Des gens de ce peuple de gauche, dont vous vous revendiquez, ont aussi été choqués de vous voir fumer en public. Bonjour la modernité…
Je ne suis pas d’accord avec vous. Beaucoup de modernistes m’ont défendue en expliquant que cela relevait de la vie privée.

Au lendemain de la marche du 20 février, vous avez déclaré : “C’est tout le peuple marocain qui se reconnaît dans notre mouvement”. Avec le recul, vous ne trouvez pas votre propos présomptueux ?
Dans l’enthousiasme général, nous lancions ce type de slogan généraliste. Mais encore aujourd’hui, je pense que le peuple marocain se reconnaît dans notre combat pour plus de dignité et de droits.

Soit. Mais en même temps, la majorité des Marocains restent chez eux le dimanche au lieu de marcher avec le M20….
Vous avez raison. Beaucoup de personnes nous soutiennent, mais elles ne s’impliquent pas de manière active pour changer les choses. Les gens veulent du changement mais ils attendent que cela tombe tout cuit sans faire d’efforts. Un grand nombre de Marocains avaient peur de la présence d’Al Adl Wal Ihsane dans le mouvement. Aujourd’hui que la Jamaâ a quitté le M20, plus rien ne les empêche de marcher avec nous, mais on ne les voit pas pour autant.

Et au final, leur désir de changement se concrétise par un vote PJD. C’est décourageant pour vous ?
Je les comprends. Beaucoup ont préféré le discours d’opposition et de rupture du PJD, qui a rebondi sur la thématique anti-corruption et anti-népotisme du 20 février, que de voir le PAM et le RNI au pouvoir. Le PJD n’a fait que reprendre notre discours mobilisateur pour gagner les élections.

Vous avez embrassé la main de Bensaïd Aït Idder. Le baisemain ne vous dérange pas tant que ça finalement ?
J’étais émue de rencontrer cette figure du militantisme. Nous n’avons pas beaucoup de gens que l’on puisse admirer politiquement au Maroc. Je ne suis pas contre le baisemain affectif, signe de respect pour Bensaïd Aït Idder. Cela n’a rien à voir avec le baisemain servile à Mohammed VI.

Il y a Omar Benjelloun aussi. Mais aucun portrait de lui n’a été brandi lors des marches du 20 février.
Les gens étaient remontés contre l’USFP qu’ils considéraient comme un parti ayant trahi son combat. Et beaucoup de jeunes ne connaissent pas Omar Benjelloun car ils ont été victimes d’une acculturation politique à l’école.

Vous avez critiqué l’argent dépensé pour Mawazine. Vous avez déjà assisté à un concert programmé par ce festival ?
Une seule fois, en 2008, pour voir sur scène Hoba Hoba Spirit.

Sérieux, vous trouvez que L7a9ed est un bon rappeur ?
C’est un ami, je l’ai soutenu car nous avons un combat commun et qu’il a été emprisonné de manière arbitraire. Mais je ne suis pas branchée rap dans l’absolu.

Pour les mecs, filles militantes riment avec filles chiantes….
Disons que les garçons hésitent plus avant de nous draguer. Ils nous considèrent plus difficiles d’accès.

Vous avez été élue au Conseil national du PSU sans y avoir un passé de militante. Certains vous accusent d’avoir été pistonnée.
Je me suis impliquée au sein du PSU, ce n’était pas du piston. Le parti voulait s’ouvrir aux jeunes du M20 et au combat pour les libertés individuelles.

Entre nous, la nouvelle secrétaire générale du PSU, Nabila Mounib, est tout de même plus sexy que le secrétaire général sortant Mohamed Moujahid.
Oui bien sûr (rires). Cela dit, Nabila Mounib est arrivée à la tête du PSU pour ses compétences, pas seulement pour son look.

 

Antécédents

1986. Voit le jour à Casablanca

1994. Perd sa grand-mère dont elle était très proche

2004. Obtient son baccalauréat Sciences mathématiques

Fév 2011. Participe à la première marche du M20

Déc 2011. Elue au Conseil national du PSU

 

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