“Le Maroc va mieux, merci”

Par

Smyet bak ?
Je vous l’avais déjà dit.

Smyet mok ?
Lhajja Fatima.

Nimirou d’la carte ?
Ça, c’est mon affaire !

Vous vous considérez toujours comme un homme de gauche ?
J’ai maintenant un poste de responsabilité dans l’Etat. Je suis le secrétaire général d’un conseil qui promeut et défend les droits de l’homme.

Il y a un an à peine, vous critiquiez ceux qui étaient à votre place, comme Ahmed Herzenni…
Dieu est capable de tout changer. Nous sommes passés à une autre étape où, une fois encore, le Maroc représente l’exception dans la région. La preuve en est cette Constitution avec tout ce qu’elle comporte comme droits et libertés, ainsi que les récentes élections.

Vos anciens camarades considèrent que vous avez retourné votre veste…

Ils peuvent le voir ainsi. Dans le contexte actuel, les appréciations de la situation politique diffèrent. Il est tout à fait normal qu’il y ait une diversité de points de vue.
 

Vous n’avez plus de contact avec le PADS, votre ancien parti ?
Que Dieu les remette sur le droit chemin ! Les dernières élections ont complètement modifié et brouillé la carte politique. On a vu certains partis de gauche boycotter ce processus, alors qu’ils avaient participé aux élections à une période bien moins transparente et sous une constitution moins avantageuse. Je pense qu’au regard des résultats électoraux, ces partis doivent méditer sur leur action et leur impact sur la société.

Vous voulez dire que le boycott est une fuite en avant ?
ça c’est un jugement politique. Le boycott comme la participation sont des positions qui se respectent, et les droits des deux camps à s’exprimer doivent être garantis.

On a eu une seule femme au gouvernement. Vous trouvez cela normal ?
C’est malheureux. Cela reflète l’absence de volonté de la part des partis politiques d’installer des mécanismes de participation de la femme dans la prise de décision.

Sinon, comment va le CNDH ?
Il y a un peu de pression, parce que les Marocains pensent que le Conseil peut trouver des solutions à tout. De nombreux citoyens nous font part de problèmes qui ne relèvent pas de nos prérogatives. Et il n’y a pas que le Marocain lambda qui en demande trop au Conseil, une partie de l’élite aussi.

Est-ce vrai que ce sont les Français qui ont fait pression pour libérer plus de 300 détenus salafistes en avril 2011 ?
La libération de ce grand nombre de détenus et l’allègement de peine de beaucoup d’autres était une idée du CNDH. Nous avons émis une doléance de grâce aux autorités compétentes. Le roi a accepté.

Et votre première rencontre avec Mohammed VI, c’était comment ?
Rien à signaler. C’était comme à chaque fois qu’un petit responsable rencontre le roi du pays.

Et Fouad Ali El Himma, l’avez-vous croisé depuis que vous êtes au CNDH ?
Je l’ai rencontré quand il était responsable au ministère de l’Intérieur. On avait discuté de la situation des droits de l’homme. C’est la première et dernière fois que je l’ai vu.

Apparemment, vous étiez là, le jour de la création du conseil d’appui au Mouvement du 20 février…
Bien sûr, le Forum vérité et justice avait pris l’initiative d’appeler à une réunion des organisations qui voulaient soutenir ce qui allait devenir le M20. Au départ, nous pensions rassembler ces organisations autour de la revendication d’appliquer les recommandations de l’Instance équité et réconciliation.

Quelques jours après, vous avez été nommé vice-président du CNDH. Racontez-nous !
Oui, c’est à la même période que j’ai reçu l’offre de rejoindre le M20. Je réfléchissais et j’étais en négociation. Comment voyez-vous le M20 maintenant ?

Le mouvement a bousculé les choses au Maroc. Il faut lui reconnaître ce rôle-là. Maintenant, il faut qu’il clarifie et précise ses revendications. C’est quoi une constitution démocratique ou une monarchie parlementaire ? Il faut que les activistes comprennent les conditions objectives de notre pays.

Vous êtes-vous inspiré des slogans du M20 dans votre travail.
Nous avons créé une commission qui se penche sur les droits économiques et sociaux. Rien de concret pour l’instant, mais nous mettons en place les méthodologies de travail.

Les habitants de Khouribga attendent toujours le rapport que vous aviez promis sur les émeutes de mars. Qu’en est-il ?
Ce qui s’est passé à Khouribga s’est propagé à d’autres villes et régions, comme Safi, Youssoufia, Bengrir et Tinghir… Donc, nous avons pensé à élargir notre rapport et l’orienter plus dans le sens de la culture de la protestation.

En passant, pensez-vous que Benkirane arrivera à calmer les émeutiers qui se multiplient en ce moment même ?
Tout dépend de la méthodologie du nouveau gouvernement. Mais il n’y a pas de recette miracle. Dès les premières mesures, l’Exécutif doit être attentif aux revendications les plus urgentes, et répondre à celles dont la satisfaction est à sa portée. Il doit gagner en crédibilité et en confiance aux yeux des gens, ce qui prend du temps.

Il y a quelques années, vous avez organisé un sit-in devant le centre de détention de Témara. Si c’était à refaire ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que depuis que le CNDH a été créé, aucun cas de torture n’a été enregistré dans les locaux de la DST à Témara. De plus, cet appareil est maintenant doté des prérogatives de la police judiciaire. Cela permet à l’avocat de visiter le détenu en garde à vue, et aussi de connaître les lieux de détention.

Ça fait quoi d’être un responsable dans le même Etat que Housni Benslimane ou Hamidou Laânigri, que vous vouliez voir un jour sur le banc des accusés ?

Les recommandations de l’IER nous ont permis de rompre avec les méthodes du passé. Nous avons désormais des garde-fous. Donc ça ne me dérange pas du tout, tant que la loi prime.

Vous écrivez toujours des poèmes, comme au bon vieux temps ?
Ma situation actuelle ne me le permet pas. C’est une démarche qui nécessite que l’on s’isole. Mon dernier poème remonte à il y a plus de quatorze ans. Je suis devenu stérile du point de vue de l’imagination et de la création.

 

Antécédents

 

1955. Voit le jour à Rabat

1975. Adhère à la Chabiba Ittihadia

1984. Est condamné à 10 mois de prison à Rabat et innocenté à Tétouan

1989. Obtient un diplôme en sociologie puis en droit à Rabat

1990. Devient avocat au barreau de Rabat

2002. Est élu président du Forum vérité et justice

2011. Est nommé secrétaire général du CNDH

 

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