Tribune de Fouad Abdelmoumni- Inquiets, voire plus…

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La liste des ministres du gouvernement PJD est décevante par rapport aux enjeux de promotion et de crédibilisation du jeu démocratique. En 10 points, le militant associatif nous explique pourquoi.

1. La démocratisation a été malmenée, avec la dépendance renforcée à l’égard du Palais (garde-fous aux postes clés du Secrétariat général du gouvernement, Défense, Agriculture…).

2. La cohérence n’a pas été satisfaite, et les notabilités ont pu s’imposer ou imposer leur progéniture sans aucune légitimité politique (Qayouh étant le cas le plus caricatural).

3. La crédibilité a été bafouée, notamment par le maintien d’Akhannouch, amené à “démissionner” du RNI sous les couleurs duquel il vient d’être élu au parlement, et qu’il avait “rejoint” en 2007 parce qu’il fallait un habillage partisan à son entrée au gouvernement.

4. La responsabilité est mal préparée, vu la déliquescence des partis politiques face aux groupes de pression et aux notabilités qui continuent de dominer le parlement. L’absence d’identité politique de ces partis rendra le jeu politique difficilement gérable autrement que par la pression, la manipulation et la corruption.

5. La liberté est mise à risque, avec un ministre de la Justice et des libertés bigame et une ministre de la Femme foncièrement opposée à l’égalité des femmes et des hommes.

6. La parité est en régression, avec une seule femme ministre, alors qu’elles ont été huit dans les précédents gouvernements.

7. Le renouveau n’est pas servi, un ministre sur cinq (6 sur 30) ayant appartenu à l’équipe sortante, largement décrédibilisée.

8. La qualité est à haut risque, l’équipe ne pouvant se prévaloir ni de techniciens pointus (le choix étant d’avoir un gouvernement politique), ni de ténors (leaders charismatiques, tribuns reconnus, stratèges confirmés, organisateurs aguerris…).

9. La rationalisation de l’action gouvernementale est partie en fumée, avec une équipe double de ce qui avait été promis, et surtout le maintien du Secrétariat général du gouvernement avec rang de ministère (au lieu d’être un simple service de la présidence du gouvernement), et le maintien d’un homme du Makhzen à sa tête (ce qui indique qu’il continuera à jouer le rôle de censeur de l’action gouvernementale, comme ça a tellement été décrié par le passé).

10. La seule consolation qui nous reste est que ce gouvernement, parce que partant de si bas, parce que tant malmené par le Palais, parce que conscient que c’est le progrès et la stabilité du pays qui sont en jeu, parce qu’averti que c’est la survie de ses partis qui est ciblée, nous viendra immédiatement avec des mesures à très forte symbolique. Nous pouvons prétendre à des initiatives du genre :

• Démocratisation : refuser dorénavant tout interventionnisme du Palais, quitte à créer une crise.
• Résolution du conflit du Sahara : ouvrir de vraies négociations avec l’ensemble des parties concernées, avec l’engagement d’adopter collectivement une solution dans les 3 mois.
• Démilitarisation de la région : faire passer le coût de l’armée marocaine de 5,1% du PIB à moins de 1,5%.
• Construction du Maghreb (au moins économique dans l’immédiat).
• Lutte contre la corruption : faire passer le Maroc du statut de pays à corruption endémique à celui de corruption maîtrisée en deux ans, en commençant par l’engagement de poursuites légales dans les dossiers déjà élaborés par la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances.
• Eradication des “salariés fantômes” de la fonction publique.
• Intégration du personnel et des attributions de l’armada de conseils royaux dans les rangs de la fonction publique (à l’exception des instances de régulation et consorts).
• Intégration de la cour royale dans les rangs de l’administration soumise au gouvernement, les rares conseillers à maintenir en fonction auprès du roi (à effectif comparable à ceux en vigueur dans les monarchies démocratiques) étant affectés et gérés par le gouvernement…
Enfin, les prochaines semaines nous montreront si ce gouvernement est conscient qu’il joue sa survie, celle d’un parti majeur et celle du pays. La crise va bientôt peser de tout son poids, et le Maroc n’a que le choix d’en sortir par le haut, à travers la démocratie, l’effort et les solutions courageuses, sous peine de sombrer à plus ou moins brève échéance dans les frustrations et la confrontation. Il convient surtout de ne pas oublier que les anciens expédients par lesquels le Maroc a pu tenir (répression, corruption, division des opposants, monopole de l’information…) sont révolus, et que la rue ne manquera pas de demander des comptes dès la fin de la “période de grâce” du gouvernement.

 

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